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Comme sortis d'un album de famille trouvé au grenier, les stickers de Leo et Pipo ont un air suranné. Ces photos d'un autre siècle montrent des personnages dont on a oublié le nom, des anonymes en costumes désuets: Homme à la cape et haut de forme, Elégant à lavallière et au canotier, Zouave, Militaire.
L'homme à la cape, sticker arraché de Leo & Pipo sur une boîte à lettre
Depuis 2008, les inconnus de Leo et Pipo sont partout; sur les boîtes à lettres, sur les tuyaux, sur les panneaux de signalisation, sur les vitrines. La multiplication de ces petites photos en noir et blanc semblent attirer les collectionneurs de street-art. Elles sont cependant très difficiles à décoller et les arracheurs ne repartent le plus souvent qu'avec un petit morceau déchiré, une tête, un bras, une jambe.
L'homme à la cape, sticker unijambiste de Leo & Pipo sur un magasin
Ainsi déchiquetés, démembrés, décapités, les stickers mutilés de Leo et Pipo résistent vaillamment aux outrages des passants tant la colle utilisée est forte.
L'homme à la cape, sticker décapité de Leo & Pipo
sur un panneau de signalisation
Ces personnages sévères au regard droit, le menton levé, la moustache lissée, posent fièrement devant l'objectif. La séance chez le photographe est un rite bourgeois auquel ils se plient avec plaisir, à une époque où la photographie n'est pas encore banalisée. Ils ont revêtu leur plus bel habit, leur impeccable uniforme, pour faire honneur à leur famille, pour montrer à la société comme ils sont respectables.
L'Elégant à la lavallière, sticker décapité de Leo & Pipo
sur une boîte à lettre
Aujourd'hui cependant ces personnages endimanchés nous semblent ridicules, tellement éloignés de nos codes vestimentaires, de nos propres conventions; nous en oublions qu'ils furent un jour bien vivants avec une famille, un métier, des projets, des convictions. Ils furent peut-être heureux peut-être malheureux, avant de participer aux boucheries de 1870 ou de 1914 où beaucoup y laissèrent la vie.
Ces hommes ne sont plus aujourd'hui que des images livrées à notre regard amusé.
Liens sur ce blog:
Paella Chimicos: tracts collés dans la ville, street-art contestataire
Street-art: Kafka, Rita Hayworth, Louise Brooks par Rue Meurt d'Art
Entretien avec Leo & Pipo sur brain magazine
Palagret
archéologie du quotidien
juin 2010
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Les "drapeaux de pirates" de Yan Pei Ming flottent sur le Palais Royal à Paris. Bien que le peintre affectionnent les crânes, il n'y a ici ni tête de mort ni tibias croisés, seulement des visages d'enfant chinois. Selon le vent, les visages sérigraphiés en noir et blanc sont déployés ou au contraire déformés et cachés par les plis du tissu. Une métaphore de l'avenir incertain de ces enfants au visage sévères?
Pirates' flags, drapeaux de Yan Pei Ming, 2006
exposition collective "Le jardin partagé" au Palais Royal
En 2009 à Pékin, au Centre d'art contemporain Ullens, Landscape of Childhood présentait 34 drapeaux à l'effigie de jeunes orphelins chinois. Les drapeaux, accrochés au plafond, flottaient grâce à une puissante soufflerie dans un immense hangar de 2500 m2 où les gardiens portaient un casque anti-bruit pour se protéger du vacarme.
Pirates' flags, drapeaux de Yan Pei Ming, 2006
exposition collective "Le jardin partagé" au Palais Royal
"Je m’intéresse à ce caractère invisible, absent de l’homme dans son comportement, au fil des contextes, des circonstances et des événements, à l’humanité qui lui échappe: l’homme invisible dans son humanité. Je me suis intéressé à l’homme en général. Mon travail peut être considéré comme une sorte de portrait universel. Ce que je peins, c’est en fait l’humanité. Cependant, plus je crée des têtes, moins je comprends ces gens."1
Landscape of Childhood, drapeaux de Yan Pei Ming, Pékin 2009
Les 7 drapeaux pirates de Yan Pei Ming sont installés au sommet de la colonnade de la cour du Palais Royal. Les colonnes, longtemps consolidées par des étais, sont maintenant en réparation et enveloppées d'une bâche blanche qui met en valeur l'installation du plasticien chinois.
Yan Pei-Ming est l’un des premiers artistes chinois de la génération Tiananmen à s’être installé en France. Il est connu pour ses portraits de personnages célèbres brossés à grands traits: Mao, Obama, McCain, Mona Lisa et aussi d'anonymes.
Pirates' flags, drapeaux de Yan Pei Ming, 2006
exposition collective "Le jardin partagé" au Palais Royal
L'exposition "Le jardin emprunté", en écho à la foire internationale de Shanghai, présente des artistes chinois vivant ou travaillant en France: Huang Yong Ping, Shen Yuan, Yan Pei Ming, Wang Du, Yang Jiechang, Chen Zen.
Pirates' flags, drapeaux de Yan Pei Ming, 2006
exposition collective "Le jardin partagé" au Palais Royal
"Le jardin emprunté". Jardin du Palais Royal, Paris
Tous les jours de 7 heures à 23 heures
Du 13 mai au 27 juin 2010
Liens sur ce blog:
Wang Du, monumentaux journaux pliés au Palais Royal
Yan Pei-Ming: les larmes de Monna Lisa au Louvre
Huang Yong Ping: la caverne, calme bloc ici-bas ici-bas chu d'un désastre obscur
Huang Yong Ping: l'arche de Noé échoué dans la chapelle des Beaux-arts
C'est la vie! Vanités: quelques crânes dans l'art contemporain
Sweet dreams, les dollars de Yan Pei Ming, video
Palagret
1- in site de Yan Pei Ming
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L'ordre dans le chaos
Une structure végétale évolutive, à la fois sculpture et architecture, coiffe le Metropolitan museum of New-York. On a souvent vu des sculptures sur le toit : Jeff Koons, Ellsworth Kelly ou Roy Lichtenstein. Pour sa 13è installation, le Met présente une construction des jumeaux Mike et Doug Starn. Durant tout l'été, les artistes et une équipe de grimpeurs vont entrelacer plus de 3200 tiges de bambous, avec des cordes de nylon coloré.
«Big Bambu, You Can't, You Don't and You Won't Stop» de Mike et Doug Starn
installation sur le toit du Metropolitan museum of art, New-York
Un escalier à l'intérieur du foisonnement de bambous permet de monter au somment et d'admirer la skyline de Manhattan. Accompagnés d'un guide, si le temps le permet, après avoir signé une décharge, les visiteurs téméraires pourront grimper dans ce labyrinthe mouvant mais cependant solide. En Orient les bambous sont utilisés dans les échafaudages, même pour les gratte-ciels. Le bambou est vivant, avec le vent et la pluie, il change de couleurs, il plie mais ne rompt pas.
«Big Bambu, You Can't, You Don't and You Won't Stop» de Mike et Doug Starn
installation sur le toit du Metropolitan museum of art, New-York
La construction faite de cinquante milles tiges s'élèvera à plus de quinze mètres, sur 30 mètres de long et 20 de large. Tout a été soigneusement préparé avec un architecte pour obtenir les autorisations des services de sécurité de la ville et des pompiers. Chaotique à première vue, l'installation complexe est très organisée.
Escalier intérieur
«Big Bambu, You Can't, You Don't and You Won't Stop» de Mike et Doug Starn
installation sur le toit du Metropolitan museum of art, New-York
«Big Bambu, You Can't, You Don't and You Won't Stop» de Mike et Doug Starn
installation sur le toit du Metropolitan museum of art, New-York
Les artistes voient en Big Bambu un organisme qui se répare tout seul. Certains bambous s'abîmeront mais la structure tiendra. La tour représente les concepts d'auto-organisation, d'adaptation et d'interconnection de toutes choses. 1
«Big Bambu, You Can't, You Don't and You Won't Stop» de Mike et Doug Starn
installation sur le toit du Metropolitan museum of art, New-York
"Cette oeuvre est ce que ça veut dire être vivant. Etre vivant c'est grandir et changer continuellement. " déclarent les jumeaux, l'un commençant une phrase que l'autre fini. "Et quand nous disons vivant, nous ne parlons pas seulement de l'être humain. Une ville est vivante. Une culture. Une société." 2
«Big Bambu, You Can't, You Don't and You Won't Stop» de Mike et Doug Starn
installation sur le toit du Metropolitan museum of art, New-York
Jumeaux identiques, Mike et Doug Starn sont nés dans le New-Jersey en 1961. Ils travaillent ensemble sur des photographies, vidéos, peintures, sculptures et installations.
Big Bambú - nytimes.com/video from The New York Times on Vimeo.
Interview de Mike et Doug Starn à propos de Big Bambu
«Big Bambu, You Can't, You Don't and You Won't Stop» de Mike et Doug Starn
Metropolitan museum of Art
1000 Fifth Avenue at 82nd Street New York, New York
Du 27 avril au 31 octobre 2010
Liens sur ce blog:
Kawamata, d'étranges nids accrochés à la façade de Beaubourg
Palagret
Sources:
New-York Times
1- Site de Mike et Doug Starn
Merci, thanks, à andyhuey, crol373, xbettyx et wka pour leurs photos publiées sur Flickr sous licence Creative Commons.
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Les tuyaux et poteaux aux abords du musée Rodin sont ornés de pastilles de couleur collées, correspondant à des entrées gratuites dans le musée. Numérotés, les petits ronds colorés (jaunes, orange, roses ou bleus) adhèrent sur les vêtements et permettent de passer le contrôle.
Stickers du musée Rodin collés sur des poteaux
A la sortie, les visiteurs se débarrassent des stickers en les collant sur le premier support venu. Ce geste banal, répété des dizaines de fois abouti à une forme de street-art, ou stickart, involontaire et collectif.
Stickers du musée Rodin collés sur un tuyau
Stickers du musée Rodin collés sur des poteaux
Liens sur ce blog:
Une vitrine couverte de stickers, street-art ou vandalisme ?
Stickart: les stickers colonisent les tuyaux de descente de pluie
Palagret
archéologie du quotidien
mai 2010
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Les graffeurs et colleurs urbains sont liés à une ville, à un territoire. Quand ils voyagent, ils en profitent pour investir les murs étrangers mais leurs déplacements sont forcément limités. "Street-art without border" (sans frontière) est un collectif qui permet de faire voyager les collages des artistes, sans les artistes, à travers le monde.
Kill yourself and your best friend de Sr.X, "Street-art without border"
Les street-artists envoient leurs œuvres sur papier à Eric Maréchal et hop, les voici affichées à Sao Paulo, Salvador de Bahia, Séoul, Tokyo, Chicago ou Paris. Voici un exemple de collage à l'angle de la rue Quincampoix et de la rue Aubry la Boucher à Paris.
Kill yourself and your best friend de Sr.X, "Street-art without border"
Un pochoir sur papier peint à petit motif de Sr.X, un espagnol. Parodie des publicités des années cinquante où l'achat d'une machine à laver ou d'un rasoir électrique dernier cri garantissait au consommateur l'accès à un monde idyllique.
Kill yourself and your best friend de Sr.X, "Street-art without border"
L'épouse, ou la girlfriend, tient un révolver sous sa gorge et le mari ou le boyfriend, s'apprête à avaler une lame de rasoir. Souriant, ils se font face, illustration parfaite du togetherness, du bonheur conjugal, du bonheur obligatoire.
Kill yourself and your best friend de Sr.X, "Street-art without border"
Pacte de suicide enjoué intitulé "Kill yourself and your best friend" (Tuez vous et votre meilleur ami aussi), le collage reprend les codes de la publicité avec les accroches traditionnelles "Only 19,99 €, Buy now" (seulement 19.99€, achetez maintenant) "Be cool, call now" (soyez cool, appelez maintenant), "Seen on TV" (vu à la télé). Petite touche d'humour supplémentaire: "also available for pets" (aussi disponible pour les animaux de compagnie). Ici, il ne s'agit pas de consommer mais de mourir, une satire qui ridiculise toutes les réclames qui veulent nous faire acheter n'importe quoi, tout de suite.
Edgar Allan Poe, avec papillons et curieux chapeau, par Sr.X
photo noir et blanc découpéeSr.X imite souvent d'anciennes réclames mais son style est assez éclectique. On retrouve des publicités des années cinquante dans les collages de FKDL.Le street-art est avant tout l'acte d'investir un territoire, d'apposer sa marque sur les murs de la ville. C'est un acte local, personnel. Avec « Street-art without border », l'excitation de commettre un acte illégal, le sentiment d'urgence et de danger ne sont plus éprouvés par l'artiste de rue mais par un tiers. De plus, ce n'est plus l'auteur qui choisit l'emplacement. De ce collage lointain, il ne garde qu'une photo et non les émotions liées à l'intervention sur les murs de la ville, une ville qu'il ne connaîtra peut-être jamais.
Un collage urbain a-t-il la même valeur quand il est collé par quelqu'un d'autre? Est-ce une banalisation d'une démarche radicale ou l'occasion de voir des œuvres du monde entier?
Certains artistes contemporains comme Jeff Koons ou Damien Hirst, ne mettent pas beaucoup la main à la pâte et délèguent la fabrication de leurs oeuvres à un atelier. Ils restent quand même les auteurs de leurs peintures et sculptures.
Interview et photos d'Eric Maréchal sur Photograff collectif
Liens sur ce blog:
Street-art: les papiers collés de FKDL, silhouettes dansantes
Publicité contre street-art au coin des rues Quincampoix et Aubry le Boucher
Palagret
street-art mondialisé
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Sous la verrière, deux massives statues de Baselitz trônent dans la grande pièce aux murs blancs. Leur immobilité impressionne comme celle des colosses égyptiens qui gardent les temples ou les statues de l'île de Pâques. Assises sur un bloc de bois, le visage appuyé sur la main dans la posture traditionnelle de la mélancolie, écho lointain au Penseur de Rodin, les idoles semblent attendre des offrandes qui ne viendront pas.
Sculpture monumentale de Baselitz
Volk Ding Zero, 2009. Bois, huile, papier, clous, 308 x 120 x 125 cm
Les hommes de bois ont le sexe dressé comme une écharde monstrueuse et portent des chaussures à lourds talons haut. Leur visage est simplifié, sans traits marqués, surmonté d'une casquette blanche carrée où est inscrit Zero. Une référence à une fabrique de matériel pour peintres en bâtiment qui fit faillite. La casquette est semblable à celle que porte Baselitz dans son atelier mais aussi au bonnet carré que portaient les bébés allemands pendant la guerre.
Sculptures monumentales de Baselitz à la galerie Thaddaeus Ropac
Refusant le métier, le savoir-faire, le réalisme et toute finition, Baselitz sculpte grossièrement les blocs de bois, dégageant des formes brutalement ébauchées qui renvoient à la sculpture africaine que collectionne Baselitz.
Sculpture monumentale de Baselitz
Dunklung Nachtung Amung Ding, 2009. Bois, huile, papier. 308 x 120 x 125 cm
Les corps sont déchiquetés, tailladés de multiples blessures faites à la scie électrique. Comme dans ses peintures, Bazelitz représente des hommes souffrants. On sent l'énergie, la rage du sculpteur se confrontant à la matière et la martyrisant.
Sculpture monumentale de Baselitz
Volk Ding Zero, 2009. Bois, huile, papier, clous, 308 x 120 x 125 cm
Au sous-sol, sont exposées six peintures aux joyeuses couleurs roses, oranges, bleues, vertes et blanches. Abstrait au premier coup d'oeil, les formes se révèlent. Comme d'habitude, ces corps nus sont inversés, la tête en bas. Baselitz ne peint pas les corps à l'endroit pour ensuite retourner le chassis; il peint directement à l'envers comme le montrent les coulures de peinture.
Sculpture monumentale de Baselitz
Volk Ding Zero, 2009. Bois, huile, papier, clous, 308 x 120 x 125 cm
Au premier étage de la galerie sont exposés des aquarelles.
" Hans Georg Kern est né en 1938 à Deutschbaselitz. Cette ville de Saxe à laquelle il empruntera son nom d’artiste appartient alors à l’Allemagne de l’Est. Dès le début, ses œuvres expriment une réaction viscérale aux tragédies humaines en général et aux traumatismes de l’histoire allemande en particulier. Il est surtout influencé par l’Art brut, par les dessins et les écrits d’Antonin Artaud et par la sculpture africaine." 1
Georg BaselitzSculptures monumentales
Du 24 avril au 29 mai 2010Du mardi au samedi, de 10h à 19h
7, rue Debelleyme - 75003 Paris
01 42 72 99 00
Liens sur ce blog:
Jim Dine et Pinocchio, sculptures sur bois
Palagret
mai 2010
1- Dossier de presse
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Les objets collés sont une forme de street-art. Dans le quartier Montmartre à Paris, on trouve de nombreux masques collés sur les murs à hauteur des yeux des passants. Les plâtres sont modelés sur le visage de Gregos, l'auteur de ces interventions urbaines.
Masque collé de Gregos et silhouette au marker, à Montmartre
Ces masques là ne dissimulent pas le visage, ils le reproduisent fidèlement. On distingue les ridules des paupières fermées et le grain de la peau comme sur un masque mortuaire. Le masque copie et multiplie le visage non d'un défunt mais d'un bien vivant qui nous tire la langue. Une belle langue rouge, le plus souvent.
Masque collé de Gregos à Paris
Les masques sont parfois inclus dans une silhouette ou entourés de traits ou de coulures de peinture. Des ajouts des passants? Au contraire des papiers collés très éphémères, les objets de plâtre ou de céramique sont assez résistants. Si un aficionados ne les arrache pas pour enrichir sa collection d'art urbain ou si un défenseur de l'intégrité des murs ne les casse pas, ils sont là pour longtemps.
Masque collé de Gregos et traits de crayon rayonnants, à Paris
Gregos a commencé ses collages en 3D il y a trois ans, d'abord avec des masques blancs puis peints de diverses couleurs et motifs. Certains masques sont couverts de texte ou de dédicace.
Masque collé au trèfle, de Gregos, Paris
Les masques sont disséminés un peu partout à Paris dans les quartiers touristiques. Gregos publie sur son site des photos de passants prenant des photos de ses masques.
Masque collé de Gregos à Montmartre
Liens sur ce blog:
Gregos et l'Inspecteur Harry: make my day! street-art
Street-art, un Pitr bleu, un visage multicolore, des masques
Palagret
juin 2010
archéologie du quotidien
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