-
Par Palagret le 15 Février 2010 à 12:00
« Travailler plus pour gagner plus », un beau slogan sarkozyste vite détourné par des travailleurs peu convaincus de la beauté de perdre sa vie à la gagner. Préférant « Travailler moins pour gagner plus » ou " Travailler moins pour gagner moins et vivre mieux", les objecteurs de croissance, ces feignants, n'ont aucune envie de faire partie de « la France qui se lève tôt » 1. Avec la crise et le chômage, l'exhortation vertueuse du Président de la République ne s'entendait plus beaucoup.
Travailler moins, deux banderoles de la plasticienne Ko Siu Lan, sur la façade des Beaux-Arts de ParisIl a suffi de deux bannières noires portant au recto les mots « gagner », « plus » et au verso « travailler », « moins » pour que l'exhortation sarkozyste, détournée, revienne sur le devant de la scène. Marchant sur le quai Malaquais, le passant pouvait lire sur la façade de l'Ecole des Beaux-Arts "Travailler moins" dans un sens et "Gagner plus" dans l'autre. Pour lire la phrase en entier il fallait le vouloir et revenir sur ses pas. Henry-Claude Cousseau, le directeur des Beaux-arts s'est ému de cette ironie mal placée; l'oeuvre aurait pu déplaire en haut lieu.
Gagner plus, deux banderoles de la plasticienne Ko Siu Lan, sur la façade des Beaux-Arts de ParisHenry-Claude Cousseau a donc censuré l'oeuvre de la plasticienne chinoise Ko Siu Lan et fait décrocher les deux bannières "subversives", estimant que l'œuvre "pouvait constituer une atteinte à la neutralité du service public et instrumentaliser l'établissement".
La plasticienne a aussitôt crié à la censure: "Je trouve ça dégueulasse. En Chine, on parle beaucoup de censure mais mon travail en Chine n'a jamais été censuré de manière si brutale" 2.Travailler moins, deux banderoles de la plasticienne Ko Siu Lan, sur la façade des Beaux-Arts de ParisAprès quelques hésitations, le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a demandé que les banderoles censurées soit remises en place. Ce qui fut fait samedi soir.
Manque d'humour, désir de ne pas faire de vagues, neutralité de l'institution, toutes ces raisons n'ont conduit qu'à une surexposition de la jeune femme.Dans les démocraties, la censure a souvent pour effet de mettre en lumière ce qu'on veut cacher. Ko Siu Lan peut remercier cette censure qui a déclenché un beau tapage médiatique. Si les ironiques banderoles n'avaient pas été décrochées, peu les aurait remarquées, Ko Siu Lan n'étant pas très connue. De plus, les banderoles sur les façades annoncent des expositions et ne sont pas perçues comme des oeuvres d'art. La plupart des passants ne leur prêtent aucune attention.Travailler moins, deux banderoles de la plasticienne Ko Siu Lan, sur la façade des Beaux-Arts de ParisA la décharge du directeur des Beaux Arts, on peut noter qu'il a été échaudé en 2000 alors qu'il était directeur du Musée d'art contemporain de Bordeaux. L'exposition “présumés innocents,” mettait en scène des mineurs dans des situations ambigües, ce qui provoqua la colère d'Alain Juppé qui refusa alors d’inaugurer l’exposition. Sur la plainte d'une association locale, Henry-Claude Cousseau fut mis en examen pour diffusion de pornographie infantile, passible de plusieurs années de prisons et de lourdes amendes. La plainte est en attente de jugement mais après ça, on comprend la timidité d'Henry-Claude Cousseau 3.
Travailler moins pour gagner moins et vivre mieux
affiche de Courrier international au métro Place Clichy, janvier 2008Le mot moins est certainement emblématique de la crise et des réformes en cours: moins de pouvoir d'achat, moins de professeurs, moins de retraite etc ... Soyons juste, il y a quand même des plus: plus de bonus, plus de gardes à vue, plus de caméra de surveillance etc ..., tout n'est pas si négatif.
Les deux banderolles subversives de sept mètres de haut sont maintenant raccrochées sur la façade des Beaux-Arts de Paris, dans le cadre de l'exposition « Seven day week-end / Week-end de sept jours »
« Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. »4SEVEN DAY WEEK END / WEEK END DE SEPT JOURS
Du 13/02/2010 au 21/02/2010Beaux-arts de Paris, école nationale supérieure, Galeries d’exposition, salle Foch.
13, quai Malaquais 75006 Paris
Ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 13h à 19h.
Entrée libre
Liens sur ce blog:
Travailler plus pour gagner plus, quelques détournements en images
Travailler plus pour crever plus tôt, graffiti protestataire
Travailler plus pour gagner plus ? Ou travailler moins pour gagner moins et vivre heureux? La décroissance
Mondino, Damien Saez et la femme nue dans le caddy: censurés
Palagret
Texte et photos
février 2010
1- in Technologies du langageDiscours de Nicolas Sarkozy le 6 mars 2005 devant le Conseil national de l’UMP.
"C'est pourquoi l'Union pour un Mouvement Populaire souhaite que l'on fasse davantage pour la France qui se lève tôt le matin et qui pour autant peine à boucler ses fins de mois. La France qui travaille. La France qui ne demande rien, mais qui se lasse qu'on exige tant d'elle. La France qui est généreuse et solidaire, mais qui est en droit d'attendre de ceux de ses enfants qu'elle aide qu'ils fassent un minimum d'efforts personnels pour s'en sortir. La France qui n'en peut plus du nivellement, de l'égalitarisme et de l'assistanat, doit être entendue, écoutée et récompensée."
3- L'annulation le 2 mars 2010 de la procédure à propos de « Présumés innocents », l'exposition du CAPC de Bordeaux, autour de l'enfance dans l'art contemporain, vient clore une affaire vieille de dix ans.
4- disait Beaumarchais par la bouche de Figaro.
1 commentaire -
Par Palagret le 6 Février 2010 à 12:00Les crânes sont l'élément central des vanités et des memento mori dans la peinture occidentale. Posés à côté, des fleurs fanées, des fruits pourrissants, des bougies éteintes renforcent le message:
« vanitas vanitatum et omnia vanitas »
[«Vanité des vanités, tout est vanité.» Écclésiaste, 1.2]
Les livres ouverts symbolisent la connaissance, les bijoux la richesse, les instruments de musique les plaisirs, préoccupations humaines que la mort rend vaines. Dans un langage codé, tout concourt à évoquer la fragilité des plaisirs terrestres et l'inéluctabilité de la mort.
Vanitas, vers 1650
huile sur toile, 52 x 44 cm
Simon Renard de Saint-André
Cercueil ouvert, crânes et squelette miniature pour cabinet de curiosités
« J'ai été ce que tu es et tu seras ce que je suis. »
Cette iconographie de crânes et de danses macabres, nombreuse au moyen-âge et au XVIIè siècle, disparait à l'époque des Lumières ainsi que les cabinets de curiosités qui contenaient tout un bric à brac mortuaire.
Après la première guerre mondiale, les têtes de mort sont de nouveau présentes dans l'art contemporain. Picasso, Braque, Dali, Warhol ont tous peint des vanités. Les génocides, le sida, comme la peste noire au moyen-âge, mettent la mort au coeur de l'art.
Crâne de Yan Pei Ming, 2004
plâtres de Maillol, exposition Vanités, de Caravage à Damien Hirst
L'exposition "Vanités, de Caravage à Damien Hirst" présente des tableaux et des sculptures qui de Pompéï à Damien Hirst illustrent ce thème. Les contemporains représentent les crânes le plus souvent seuls sans les symboles de la peinture classique.
Les crânes (Schädel) de Gerhard Richter sont à la fois hyper-réalistes et légèrement flous comme dans une photo ratée. Ici aucune fleur fanée ou aucun sablier ne symbolise le passage inéluctable du temps. Il n'y a pas non plus de contexte spirituel ou religieux. Posé sur un sol nu, dans l'angle d'une pièce, entre un mur foncé et un mur clair, le crâne aux orbites vides est tourné vers le mur clair indiquant un possible espoir.
Yan Pei Ming brosse des crânes à grands traits de pinceau dans les tons de gris. Isolés ou inclus dans une grande composition comme Mona Lisa, ils sont exécutés à partir de radiographies du crâne de l'artiste; il s'agit d'auto-portrait pre-mortem.
Claudio Parmiggiani montre l'empreinte des crânes posés sur une étagère, comme l'empreinte des livres brûlés qu'il exposait au Couvent des Bernardins. Il peint l'absence, la trace évanescente de la vie.
A côté de ces oeuvres relativement sobres, d'autres artistes sont plus kitschs.
Love of God de Damien Hirst, le fameux crâne en platine serti de 8601 diamants, estimé à 100 millions d'euros n'est pas exposé. Vrai provocation, la sculpture évoque pourtant bien la puissance de l'argent et son inutilité face à la mort. For the love of God, laugh (2007), une simple sérigraphie recouverte de poussière de diamants remplace la précieuse icône .
L'oisillon de Dieu, 2000 de Jan Fabre, à droite
"La Sainte Famille à poil, nature morte pour Carême, 1990
Erik Dietman
Un autre crâne de Damien Hirst est couvert de mouches engluées dans la résine, les mouches qui prolifèrent sur les cadavres en putréfaction. Jan Fabre lui recouvre son crâne de coléoptères. Il tient dans ses mâchoires un oiseau au plumage vert. Philippe Pasqua couvre un crâne de papillons.
Dimitri Stykalov sculpte des têtes de mort dans des végétaux (poivron, aubergine, pomme) qu'il photographie avant qu'ils ne se décomposent. Le résultat est plutôt comique.
Tête de mort II, 1988, polyester peint, 115 x 125 x 90 cm, Niki de Saint-Phalle
Au fond, Death of God de Damien Hirst
Le monumental crâne au nez rouge de Niki de Saint-Phalle est joyeux et coloré, comme celui de la fontaine Stravinski.
Subodh Gupta entoure un crâne en métal de brillants ustensiles de cuisine, des pots et des assiettes vides symboliques de la faim.
Annette Messager compose un crâne sur le mur avec des gants noirs percés de crayon de couleur, une image de la mort pas vraiment terrifiante, renvoyant aux terreurs enfantines.
Gants tête, 1999, gants et crayon de couleur, 178 x 133 cm
Annette Messager
Plus baroque, Cindy Sherman photographie un crâne aux orbites ornées de pierres précieuses. Un lourd collier lui pend au cou. Une couronne de fleurs coiffe le haut de la tête. L'image horrifique est bien un mémento mori où la richesse des bijoux se mêle à la décomposition.Crâne, asticots, mouches et araignée velue, crâne de Jack et Dino ChapmanLe crâne le plus horrifique et le plus extravagant est certainement celui des frères Jack et Dino Chapman, digne d'un film d'horreur. Tirant une langue rose bien charnue, l'os mis à nu grouille d'asticots qui lui sortent des orbites et de ce qui fut le nez. Sur le dessus, des mouches et une belle araignée noire se promènent. Une esthétique de l'horreur proche de la tête coupée de Jacopo Ligozzi (XVIIè) où le visage en putréfaction est figé dans un cri silencieux. Pourtant ici, il s'agit plus de dérision et de Grand Guignol que de spiritualité, entre horreur, fascination et rire.
L'exposition commence par les oeuvres contemporaines et se terminent par de vrais chef-d'oeuvres comme Saint François en méditation de Caravage (vers 1602), Saint François agenouillé de Zurbaran (vers 1635), l'extase de Saint François de Georges de la Tour (1640-1645), les trois crânes de Géricault (1814) ou Nature morte, Crâne et chandelier de Paul Cézanne (1812).
C'est la vie! Vanités, de Caravage à Damien Hirst
Du 3 février au 28 juin 2010
Fondation Dina Vierny, Musée Maillol
59-61, rue de Grenelle 75007 Paris
01 42 22 59 58
www.museemaillol.com
Lire aussi:
ArtParis, crânes et squelettes, de bien joyeuses vanités
Philippe Pasqua: crâne aux papillons et autres vanités
Yan Pei Ming, les larmes de Mona Lisa
Claudio Parmiggiani au collège des Bernardins: après le fracas ... Crânes et tibias dans le street-art, I
Têtes de mort dans le street-art, II Publicité et vanités, un crâne et des lunettes
Palagret
février 2010
1 commentaire -
Par Palagret le 5 Février 2010 à 12:00
Artistes contemporains à ranger dans la catégorie Art Rigolo, sous-catégorie Rigolo mais Inquiétant:Issue du Nouveau réalisme, Niki de Saint-Phalle (1930 - 2002) appartient à l'Art Rigolo simplement joyeux avec ses nanas colorées et lisses mais aussi à l'Art Rigolo Inquiétant. La crucifixion, mannequin fait d'une accumulation de jouets et de fleurs en plastique récupérés, est une grotesque Venus de Milo microcéphale. Ogresse, aux bigoudis, mère et putain à la fois. Comme la Mariée, la sculpture est macabre.Crucifixion, 1963
Tissus encollés sur armature de grillage et objets divers collés
240 x 150 x 60 cm, La mariée, Niki de Saint Phalle
Annette Messager (née en 1943) et son Pinocchio de la Biennale de Venise, ses pantins accrochés à des cordes montant et descendant en une lente danse macabre, ses accumulations sinistres et ses poupées embrochées sur des piques comme les têtes décapitées des aristocrates lors de la Révolution Française.
Les piques, 1993,Annette Messager
Jake et Dino Chapman, les deux frères du mouvement Young british artists, provocateurs et cyniques. De leur fausse idole de bois tenant un paquet de frites McDonald's aux aquarelles d'Hitler retouchées, ils cherchent le scandale. Le crâne dévoré de vers à la langue rose est plus du Grand Guignol qu'une Vanité sensée nous faire méditer sur la vanité de toutes choses.Crâne en résine, vers, mouches et araignée, Jake et Dino Chapman
Tim Noble et Sue Webster et leurs tas d'ordures sculptées en forme humaine.
à suivre
Art Rigolo mais inquiétant I, Louise Bourgeois, Paul McCarthy, Damien Hirst, Kusama
L'art Rigolo, Jeff Koons, Jean Dubuffet, Claes Oldenburg, Erwin Wurm, Carsten Höller, David LaChapelle, Fahrad Moshiri
Palagretart contemporainfévrier 2010
votre commentaire -
Par Palagret le 26 Janvier 2010 à 12:00
Un container de carrelage blanc accueille les visiteurs du Musée National d'Art Moderne, à Beaubourg. Ce massif cube de 3,30 mètres d'arête s'intitule « Container Zéro », une sculpture de Jean-Pierre Raynaud, connu pour ses pots surdimensionnés et ses constructions en carrelage. Le carreau, toujours de même dimension (15 x 15 cm), est sa signature, comme les bandes rayées le sont pour Daniel Buren. Le carreau est un objet banal et un signe abstrait, cent fois multiplié.
Ballet du cosmonaute et du pot blanc dans l'espace, Space Pot (2008)
Container Zéro, Jean-Pierre Raynaud, 1988
3,30 m x 3,30 m x 3,30 m, carrelage, acier, éclairage
Les deux portes frontales du container sont ouvertes et laissent voir, comme dans un écrin, divers objets que Raynaud change régulièrement. Les objets apportent un peu d'émotion à une pièce aride. Jean-Pierre Raynaud dit y mettre ce qu'il aime. Ainsi on a pu voir une échographie de son fils, un tapis d'éveil pour tout-petit, une béquille, une photo de Pierre Restany (2003), critique d’art disparu qui a soutenu les premières recherches de l'artiste, des pots de peinture modulables etc ...
Huit pots de peinture
Container Zéro, Jean-Pierre Raynaud, 1988
En mai 2008, la veuve d'Hergé a fait don au musée Beaubourg d'une planche originale de L’Affaire Tournesol (1956). On y reconnait les personnages principaux des aventures de Tintin: Tintin lui-même vu de dos ,le Capitaine Haddock, le Professeur Tournesol et les deux Dupondt.
La planche est un dessin préparatoire, en noir et blanc, sans texte dans les bulles, de la main même d'Hergé. La fragile feuille de papier a été placée dans le cube de Jean-Pierre Raynaud, ami d'Hergé.
Tonnerre de Brest, c'est une révolution! Une planche de bande-dessinée figure pour la première fois dans les collections du musée d'art moderne. Le 9è art accède à la reconnaissance des Institutions.
L'accident en 2CV des Dupont et Dupond
planche de bande-dessinée, L’Affaire Tournesol, Hergé
Container Zéro, Jean-Pierre Raynaud, 1988
« Quand on sait qu'Hergé a collectionné des œuvres de J.P Raynaud toute sa vie, on peut trouver ironique que l'œuvre Container Zero abrite dorénavant cette planche 12 d'Hergé, et que finalement elle lui serve de cadre », déclarait le biographe d'Hergé, Benoît Peeters. 1
Space Pot (2008)
Container Zéro, Jean-Pierre Raynaud, 1988
Plus tard, la planche n°12 d'Hergé a été remplacée par Space Pot, une photo-montage d'un cosmonaute dérivant dans l'espace près d'un pot blanc.
Ce cube de céramique blanche, sévère sculpture répétitive, est un écrin froid, un reliquaire moderne mais stérile. Le container met certes en valeur les reliques exposées puisque ni bois doré ni formes baroques ni pierres précieuses ne viennent distraire le regard mais il écrase les objets exposés par sa monumentalité et les frappe de dérision.
Musée national d'art moderne
4è niveau, Centre Pompidou
Paris
Liens sur ce blog:
Beaubourg: monumental pot doré de Jean-Pierre Raynaud
Nuit Blanche 2009: le pot doré de Jean-Pierre Raynaud s'est envolé
Le cube de Jean-Pierre Raynaud détruit au marteau-piqueur
"Raynaud peinture", exposition chez Trigano
Jean-Pierre Raynaud, Chine, pot-sculpture à Art Paris
Palagret
janvier 2010
1- in Le figaro
votre commentaire -
Par Palagret le 22 Janvier 2010 à 12:00Sans vous laissez aveugler par les phrases de néon, contournez le donjon médiéval, ne descendez pas dans le puits, ne prenez pas le casque de parade de Charles VI, entrez dans la crypte, la crypte annoncée dès la sixième inscription lumineuse de Joseph Kosuth:
"Le texte ne devient complet que lorsque vous arrivez à la crypte."
Le donjon est quelque part en avant, et le puits sur son chemin. La crypte est à la fin. Le mur est un support et me sert de tabula rasa."ni apparence ni illusion" néons de Joseph Kosuth au Louvre
Comme dans un jeu de piste aux indices obscurs, le visiteur avance et lit les quinze phrases de ‘ni apparence ni illusion’, l'installation au néon de Joseph Kosuth, l'artiste conceptuel américain invité au Louvre. Le visiteur espère qu'à la fin de sa quête le texte sera complet, l'énigme dévoilée; il pourra alors passer au niveau suivant. Joseph Kosuth nous prévient pourtant:
"Certains murs vous incitent à demander : qu’y a-t-il de l’autre côté ? Ces murs-ci ne décrivent que leur propre limite. Ils vous saisissent, mais ne vous demandent rien".
Joseph Kosuth travaille d'habitude avec des citations. Ici, il a écrit les phrases lui-même, probablement aidé par un traducteur. Il utilise un vocabulaire de conte ésotérique: fondation, histoire enfouie, tour, puits, crypte. Il parle d'archéologue et de bibliothécaire, découvreurs et gardien du savoir, de tabula rasa, de confusion et de désorientation, d'étincelles visibles, d'apparences et d'indifférence.
À chaque coin, le mur offre des suggestions et des options, mais aussi confusion et désorientation. Le mur derrière nous n’est porteur d’aucune anticipation."ni apparence ni illusion" néons de Joseph Kosuth au Louvre
En évitant le pont-levis, en passant devant la Grande Vis puis en quittant les fossés obscurs, le visiteur-joueur arrive enfin à la crypte où des vestiges de murs et de piliers médiévaux soutiennent un plafond de béton. Dans cet espace confiné brillent les trois dernières sentences écrites en lettres lumineuses:Treizième sentence:Le souci des apparences ne vous inspire que méfiance, et le mur affiche son indifférence. L’histoire proposée est à la fois profonde et muette.
"ni apparence ni illusion" néons de Joseph Kosuth au Louvre
Quatorzième sentence:La lumière nous conduit plus profondément dans son autoréflexion, comme une récompense. Mais c’est vous qui apportez le sens, qu’il faudra y retrouver.
La lumière nous conduit plus profondément dans son autoréflexion, comme une récompense. Mais c’est vous qui apportez le sens, qu’il faudra y retrouver.
" le sens, qu’il faudra y retrouver""ni apparence ni illusion" néons de Joseph Kosuth au Louvre
Quinzième sentence:Quinze pierres en place, toutes sorties de l’ombre, ces mots lumineux rendent visibles à la fois celui qui voit et celui qui est vu. Le mur, le passage.
Quinze pierres en place, toutes sorties de l’ombre, ces mots lumineux ..."ni apparence ni illusion" néons de Joseph Kosuth au Louvre
Le mur, le passage."ni apparence ni illusion" néons de Joseph Kosuth au Louvre
C'est la fin du parcours fluorescent et pourtant rien ne s'éclaire, le visiteur n'a pas la clef de l'énigme. Derrière l'apparence, l'illusion. Kosuth joue avec la lumière du néon et l'obscurité des phrases. Il se joue de nous et écrit ironiquement:
"c’est vous qui apportez le sens, qu’il faudra y retrouver.".
Avec ces phrases qui semblent sorties d'un vieux grimoire, Joseph Kosuth conjugue temps anciens et modernité. Dans les profondeurs de Paris,accrochée aux murs monumentaux de Philippe Auguste, l'élégante typographie de néon éclaire à peine les pierres écroulées dans les fossés 1. Les mots rayonnent dans une semi-obscurité sans troubler le mystère de ce lieu souterrain longtemps enfoui. La promenade est d'une grande poésie visuelle.
Voir la liste des quinze inscriptions au néon, "ni apparence ni illusion" de Kosuth, au Louvre
Joseph Kosuth
‘ni apparence ni illusion’
du 22 octobre 2009 au 21 juin 2010
Musée du Louvre, Paris
Aile Sully, Louvre médiéval
Liens sur ce blog:Néon et art contemporain, lumière vibrante: écrituresFrançois Morellet, néons et couillonnades à Beaubourg
Angela Detanico et Rafael Lain: la ceinture de feu de l'IPGP, une ligne brisée de néon rouge
Louvre: Umberto Eco, vertige de la liste, énumérations, catalogue etc ...
Louvre: Yan Pei-Ming, les larmes de Monna Lisa
Louvre: Soulage, outrenoir et maîtres italiens de la Renaissance
Ruines et reconstructions, Makom de Michal Rovner, d'Israël au Louvre
Palagret
janvier 2010
art contemporain au Louvre1- Le Louvre médiéval, le donjon de Philippe-Auguste et les fossés de Charles V, sont restés enfouis jusqu'à leur exhumation en 1984 lors des travaux du Grand Louvre.
votre commentaire -
Par Palagret le 20 Janvier 2010 à 12:00260 colonnes de marbre noir et de granito blanc alignées sur le sol noir légèrement bombé de la cour d'honneur du Palais-Royal. Des lucioles encastrées projetant des lumières rouges d'un côté, vertes de l'autre. Deux chemins grillagés éclairés dès le crépuscule qui permettent de voir les colonnes ancrées dans le sous-sol où l'eau ruisselle. Avec les jeux d'eau et de lumières, "les deux plateaux" retrouvent leur vraie dimension. L'oeuvre in situ de Daniel Buren est de nouveau visible et accessible au public.
Voir analyse de l'oeuvre dans un billet précédent
Les deux plateaux de Daniel Buren, oeuvre in situ rénovée, Palais Royal, Paris
En décembre 2007 Daniel Buren protestait contre le mauvais état de son oeuvre du Palais Royal. En septembre 2008 les travaux de réfection commençaient. Seize mois plus tard les colonnes sont inaugurées par le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand.
Les deux plateaux de Daniel Buren, oeuvre in situ rénovée, Palais Royal, ParisEn 1986, cette oeuvre contemporaine située dans un cadre historique avait causé un véritable scandale; les insultes pleuvaient. Jack Lang, à l'origine de la commande publique, se souvient:
"Les critiques ont parfois été plus véhémentes encore que pour la pyramide du Louvre. Daniel Buren a d'ailleurs conservé des lettres qui témoignent de cette grande brutalité, il devrait publier une partie d'entre elles en avril ou en mai prochain. Moi-même, j'ai été surnommé par Le Figaro Magazine, à l'époque, « le pape du sida mental ». Nous passions pour des barbares qui détruisaient le patrimoine et insultaient l'histoire". 1
Il n'y avait pas eu alors d'inauguration officielle.
Les deux plateaux de Daniel Buren, oeuvre in situ rénovée,au crépuscule, Palais-Royal, Paris
Vingt-quatre ans plus tard, comme la Tour Eiffel et la pyramide du Louvre elles aussi décriées, en leur temps, les colonnes de Buren sont acceptées; elles font partie du paysage parisien. Les visiteurs s'approprient le rectangle semé de colonnes inégales et transforment l'oeuvre d'art en terrain de jeu. Les enfants y jouent à chat perché ou au ballon prisonnier, les skate-boarders sautent par-dessus les tronçons et les adultes se prennent en photo telles des statues vivantes. Ils jettent toujours des pièces sur la colonne à l'intersection des deux chemins grillagés. Plus sérieusement, les colonnes s'inscrivent parfaitement au milieu de l'architecture classique du Palais-Royal.
Les deux plateaux de Daniel Buren, oeuvre in situ rénovée,au crépuscule, Palais-Royal, Paris
Toute la partie technique des deux plateaux a été refaite; il fallait réparer le circuit électrique, rétablir le réseau souterrain de l'eau, refaire l'étanchéité de la dalle, remplacer les caillebotis branlants et nettoyer les colonnes. L'Etat ayant laissé les deux plateaux se dégrader pendant des années, la réfection a coûté plus cher que l'oeuvre elle-même: 5,3 millions d'euros pour l'Etat et 500 000 euros de mécénat.
Les deux plateaux de Daniel Buren, oeuvre in situ rénovée,
au crépuscule, Palais-Royal, Paris
Aujourd'hui avec la pluie, les colonnes rénovées se reflètent sur l'asphalte d'un beau noir profond. Les lumières encastrées colorent les colonnes et le cheminement grillagé forment une croix bleu pâle. Il faudrait monter dans les étages du Ministère de la Culture ou du Conseil constitutionnel pour bien voir le dessin géométrique des colonnes.Les deux plateaux de Daniel Buren, oeuvre in situ rénovée,au crépuscule, Palais-Royal, ParisDe jour, l'oeuvre avec sa rigoureuse géométrie blanche et noire est assez sévère. Au crépuscule, les deux plateaux sont plus joyeux avec la lumière chaude des fenêtres, les spots verts et rouges et le cheminement bleu.
Les deux plateaux de Daniel Buren
Liens sur ce blog:
Buren: les deux plateaux, colonnes du Palais Royal
Une palissade rouge cache les colonnes de Buren en réfection
Buren: La coupure au musée Picasso
Buren: les fenêtres colorées à l'Hôtel Salé
Palagret
janvier 2010
1- in France Soir. Entretien avec Jacques Lang
votre commentaire -
Par Palagret le 7 Janvier 2010 à 12:00Le déchet et l'accumulation d'objets sont des thèmes très présents dans l'art contemporain. César s'était intéressé aux rebuts de la société de consommation avec ses compressions de voitures ou de journaux.
Un mois de lecture des Bâlois
compression de papier, détail
César à la Fondation Cartier
A la Fondation Cartier en 2008, l'installation "Un mois de lecture des Bâlois" de César était reconstituée, l'original ayant disparu. Cet amoncellement de cubes de ballots de papiers provient d'un site de récupération. Il est proche de la photo Recycling Yard #5 de Chris Jordan. Le photographe américain est avant tout un militant qui dénonce la surconsommation des sociétés occidentales mais il ne néglige pas la beauté formelle de ses compositions. Il appelle d'ailleurs sa série " Intolerable beauty ". Oui, il y a de la beauté dans l'ordure.Recycling Yard #5, Seattle 2003, 13,4 x 15,8 mètres
Intolerable Beauty, Chris Jordan
Dans sa série "Running numbers", Barbie Dolls (2008) est composé de milliers de poupées qui forment, vues de loin, le buste d'une femme. Au seizième siècle, le peintre Arcimboldo était le virtuose incontesté de ce jeu maniériste. Ses portraits composés de fruits, fleurs, objets etc. étaient basés sur une perception illusionniste dans un va-et-vient entre la vision proche et éloignée, entre le détail et l'ensemble.Après Marcel Duchamp, Arman, un nouveau réaliste, s'intéresse aux objets du quotidien qu'il accumule, casse, colle les uns sur les autres ou empile (pianos, voitures, marteaux). Parfois, il s'agit de vrais objets, parfois de leur réplique en bronze ou marbre. Dès 1959, Arman expose la série Poubelles composée de détritus.
Jacques Villeglé collecte des affiches lacérées, mémoire d'un monde voué au culte de l'abondance. Les couches accumulées de papier, les déchirures forment un palimpseste dérisoire.
Les débris inspirent Niki de Saint-Phalle. Elle habille ses nanas d'oripeaux faits de morceaux de jouets récupérés. Comme en état de décomposition, ces figures grossières auraient leur place dans un film de zombies. D'autres nanas de Niki de Saint-Phalle sont plus lisses et plus joyeuses. Associées aux mécaniques de Jean Tinguely, construites à partir de ferraille de récupération, elles tournent dans la fontaine Stravinski à Beaubourg.
La mariée de Niki de Saint-Phalle à Beaubourg, exposition Elles
Quelques décennies plus tard, Annette Messager entassent dans un coin des poupées et des peluches qui semblent sortir d'un dépotoir. Au plafond, des pantins morbides défilent sur un rail. L'accumulation de pauvres matériaux crée un univers oppressant.
Poupées, pantins, ours en peluche et vêtements
Installation d'Annette Messager à Beaubourg en 2007
Damien Hirst lui accumule bien proprement des pilules en vitrine. La production par ses assistants des "spin paintings" est aussi une accumulation.
Comme Arman, mais en plus baroque, les plasticiens britanniques Tim Noble et Sue Webster trouvent eux aussi leur inspiration dans les poubelles. Ils collectent leurs ordures ménagères, et quelques oiseaux morts, qu'ils façonnent afin de produire des ombres chinoises sur un mur. Grâce à un faisceau de lumière, un tas informe de boîtes de conserves éventrées, de papiers souillés et de végétaux pourrissants devient une image figurative. Le chaos d'origine s'organise en banales silhouettes. En se représentant en sculptant les immondices, Tim Noble et Sue Webster nous disent que nous sommes ce que nous consommons. Ils explorent brutalement les notions de beauté et de culture, faisant ironiquement naître la joliesse de la rudesse des ordures.
On ne sait pas si les détritus ont gardé leur odeur et s'ils continuent à se décomposer, entraînant l'affaissement et la disparition de la double image.
Dirty white trash, with gulls (1998), Tim Noble et Sue Webster
Tas d'ordures ménagères en forme de silhouettes, projetées sur un mur
Pour Monumenta 2010, Christian Boltanski entasse des vêtements usagés, métaphore de la disparition. Voir article.
La plupart des œuvres faites de rebuts et d'accumulation sont fragiles et difficiles à reproduire dans un autre lieu d'exposition. Des morceaux tombent, la disposition des objets n'est jamais la même. Issues de la prolifération des biens de consommation, elles sont instables, éphémères et nous parlent de la mort. Parfois le plasticien décide de détruire son installation pour en reconstruire une autre, ailleurs. Ce n'est pas alors exactement le même objet mais c'est le même concept.
L'artiste devient un collecteur, un récupérateur. L'objet multiplié, entassé, brisé, récupéré, recyclé, est au cœur de nombreuses travaux contemporains. Aujourd'hui, avec la prise de conscience généralisée de la nécessité d'une économie durable, les déchets et les accumulations dans l'art ont aussi une résonnance politique.
Forme ultime de l'accumulation, la liste. Au Louvre, Umberto Eco expose "Vertige de la liste", quelques œuvres qui font de l'inventaire une démarche artistique.
Liens sur ce blog:
Monumenta: Boltanski, l'absence, la présence et le hasard
César: Un mois de lecture des Bâlois
Chris Jordan, l'intolérable beauté des déchets
Arcimboldo, têtes composées
Damien Hirst
Fabrice Hyber, l'homme arcimboldesque
Umberto Eco: vertige de la liste
Jacques Villéglé: être étonné c'est un bonheur, un graffiti en alphabet socio-politique
Les sculptures d'ombre de Tim Noble et Sue Webster
votre commentaire -
Par Palagret le 7 Janvier 2010 à 12:00L'ordure et l'accumulation sont des thèmes très présents dans l'art contemporain. César s'était intéressé aux rebuts de la société de consommation avec ses compressions de voitures ou de journaux.
Un mois de lecture des Bâlois
compression de papier, détail
César à la Fondation Cartier
A la Fondation Cartier en 2008, l'installation "Un mois de lecture des Bâlois" de César était reconstituée, l'original ayant disparu. Cet amoncellement de cubes de ballots de papiers provient d'un site de récupération. Il est proche de la photo Recycling Yard #5 de Chris Jordan. Le photographe américain est avant tout un militant qui dénonce la surconsommation des sociétés occidentales mais il ne néglige pas la beauté formelle de ses compositions. Il appelle d'ailleurs sa série " Intolerable beauty ". Oui, il y a de la beauté dans l'ordure.Recycling Yard #5, Seattle 2003, 13,4 x 15,8 mètres
Intolerable Beauty, Chris Jordan
Dans sa série "Running numbers", Barbie Dolls (2008) est composé de milliers de poupées qui forment, vues de loin, le buste d'une femme. Au seizième siècle, le peintre Arcimboldo était le virtuose incontesté de ce jeu maniériste. Ses portraits composés de fruits, fleurs, objets etc. étaient basés sur une perception illusionniste dans un va-et-vient entre la vision proche et éloignée, entre le détail et l'ensemble.Après Marcel Duchamp, Arman, un nouveau réaliste, s'intéresse aux objets du quotidien qu'il accumule, casse, colle les uns sur les autres ou empile (pianos, voitures, marteaux). Parfois, il s'agit de vrais objets, parfois de leur réplique en bronze ou marbre. Dès 1959, Arman expose la série Poubelles composée de détritus.
Jacques Villeglé collecte des affiches lacérées, mémoire d'un monde voué au culte de l'abondance. Les couches accumulées de papier, les déchirures forment un palimpseste dérisoire.
Les débris inspirent Niki de Saint-Phalle. Elle habille ses nanas d'oripeaux faits de morceaux de jouets récupérés. Comme en état de décomposition, ces figures grossières auraient leur place dans un film de zombies. D'autres nanas de Niki de Saint-Phalle sont plus lisses et plus joyeuses. Associées aux mécaniques de Jean Tinguely, construites à partir de ferraille de récupération, elles tournent dans la fontaine Stravinski à Beaubourg.
La mariée de Niki de Saint-Phalle à Beaubourg, exposition Elles
Quelques décennies plus tard, Annette Messager entassent dans un coin des poupées et des peluches qui semblent sortir d'un dépotoir. Au plafond, des pantins morbides défilent sur un rail. L'accumulation de pauvres matériaux crée un univers oppressant.
Poupées, pantins, ours en peluche et vêtements
Installation d'Annette Messager à Beaubourg en 2007
Damien Hirst lui accumule bien proprement des pilules en vitrine. La production par ses assistants des "spin paintings" est aussi une accumulation.
Comme Arman, mais en plus baroque, les plasticiens britanniques Tim Noble et Sue Webster trouvent eux aussi leur inspiration dans les poubelles. Ils collectent leurs ordures ménagères, et quelques oiseaux morts, qu'ils façonnent afin de produire des ombres chinoises sur un mur. Grâce à un faisceau de lumière, un tas informe de boîtes de conserves éventrées, de papiers souillés et de végétaux pourrissants devient une image figurative. Le chaos d'origine s'organise en banales silhouettes. En se représentant en sculptant les immondices, Tim Noble et Sue Webster nous disent que nous sommes ce que nous consommons. Ils explorent brutalement les notions de beauté et de culture, faisant ironiquement naître la joliesse de la rudesse des ordures.
On ne sait pas si les détritus ont gardé leur odeur et s'ils continuent à se décomposer, entraînant l'affaissement et la disparition de la double image.
Dirty white trash, with gulls (1998), Tim Noble et Sue Webster
Tas d'ordures ménagères en forme de silhouettes, projetées sur un mur
Pour Monumenta 2010, Christian Boltanski entasse des vêtements usagés, métaphore de la disparition. Voir article.
La plupart des oeuvres faites de rebuts et d'accumulation sont fragiles et difficiles à reproduire dans un autre lieu d'exposition. Des morceaux tombent, la disposition des objets n'est jamais la même. Issues de la prolifération des biens de consommation, elles sont instables, éphémères et nous parlent de la mort. Parfois le plasticien décide de détruire son installation pour en reconstruire une autre, ailleurs. Ce n'est pas alors exactement le même objet mais c'est le même concept.
L'artiste devient un collecteur, un récupérateur. L'objet multiplié, entassé, brisé, récupéré, recyclé, est au coeur de nombreuses oeuvres contemporaines. Aujourd'hui, avec la prise de conscience généralisée de la nécessité d'une économie durable, les déchets et les accumulations dans l'art ont aussi une résonnance politique.
Forme ultime de l'accumulation, la liste. Au Louvre, Umberto Eco expose "Vertige de la liste", quelques oeuvres qui font de l'inventaire une démarche artistique.
Liens sur ce blog:
Monumenta: Boltanski, l'absence, la présence et le hasard
César: Un mois de lecture des Bâlois
Chris Jordan, l'intolérable beauté des déchets
Arcimboldo, têtes composées
Damien Hirst
Fabrice Hyber, l'homme arcimboldesque
Umberto Eco: vertige de la liste
Jacques Villéglé: être étonné c'est un bonheur, un graffiti en alphabet socio-politique
Les sculptures d'ombre de Tim Noble et Sue Webster
Palagretart contemporainjanvier 2010
votre commentaire -
Par Palagret le 4 Janvier 2010 à 12:00La palissade rouge, qui entourait "les Deux Plateaux", tombe, révélant les 260 colonnes noires et blanches rénovées. Après un an et demi de travaux et quatre millions d'euros, l'oeuvre de Daniel Buren retrouve sa plénitude. La tuyauterie des fontaines a été refaite et l'éclairage rétabli. A la nuit tombée, une lumière verte fluorescente baignera l'installation géométrique, atténuant sa sévérité.
"Les Deux Plateaux", colonnes de Daniel Buren au Palais RoyalPlus de deux ans après avoir menacé de détruire ses colonnes si elles n'étaient pas convenablement entretenues par l'Etat, son propriétaire, Daniel Buren voit sa sculpture in situ reprendre tout son sens. Les jeux entre la surface et le sous-sol, le minéral et l'eau, sont rétablis.
avant restauration
"Les Deux Plateaux", colonnes de Daniel Buren au Palais Royal
cachés par la palissade de travaux
A Nantes au contraire, les anneaux de Buren ne seront plus éclairés cet hiver, économie d'énergie oblige par grand froid.
"Les Deux Plateaux", colonnes de Daniel Buren au Palais Royal
avant : après
Sur ce blog:
Daniel Buren menace de détruire ses colonnes
➙ Les couleurs du chantier" palissade de Buren autour des colonnes➙ les fenêtres colorées de Daniel Buren à l'Hôtel Salé
➙ La Coupure de Daniel Buren à l'Hôtel Salé
➙ La Force de l'Art 2: Daniel Buren, un vitrail éphémère
➙ Buren, la Pergola colore les pavés de l'Hôtel de la Monnaie à Paris
➙ Buren: la Coupure bientôt détruite, le musée Picasso ferme pour travaux
➙ La Pergola de Daniel Buren à l'Hôtel de la Monnaie à Paris
Long entretien avec Daniel Buren dans l'Humanité
Les Deux plateaux, sculpture in situ de Daniel Buren
Cour d'honneur du Palais-Royal, Paris
Palagret
janvier 2010
votre commentaire -
Par Palagret le 22 Décembre 2009 à 12:00Jouant toujours avec la transparence et les reflets du verre de Murano, les lassos et les noeuds de Jean-Michel Othoniel tissent un réseau complexe ou le regard se perd. Ici point de colliers mais des cordes pour capturer. Les noeuds de Janus, dieu aux deux visages, ont une double signification. Fragiles et durs à la fois, ils séduisent par leur beauté formelle aux douces couleurs trompeuses et ils attrapent et retiennent.
Lacets bleus, 2008, Jean -Michel Othoniel
verre de Murano, métal, 160 x230 x35, oeuvre unique
Les noeuds de Janus, Galerie Emmanuel Perrotin
La sculpture suspendue intitulée Les Noeuds de Lacan, 2009 "matérialise la théorie psychanalytique du noeud borroméen qui structure le sujet par cet équilibre fragile entre le Réel, le Symbolique et l’Imaginaire." On se reflète dans ces perles sombres.
Pink lasso, 2008, au fond Noeud de Lacan, 2009, Blue lasso, 2008
Jean -Michel Othonieloeuvres uniques, verre de Murano, métal
Les noeuds de Janus, Galerie Emmanuel Perrotin
"Les Lassos bicolores, empruntent à la fois à l’art minimal et au concetto spaziale, en particulier à l’oeuvre Spatial Light (1951) de Fontana par leurs circonvolutions complexes" 1. Les lassos de perles sont accrochés au mur comme les précieux outils de cow-boy de fantaisie se préparant pour le carnaval de Venise.
"Le noeud de Lacan" Jean -Michel Othoniel
verre miroité, inox poli miroir, métal, 150 x 135 x 50, oeuvre unique
"Les Lacets bleus sont posés sur un socle et non plus suspendue comme l’étaient les colliers (Rivière blanche 2004, Peggy’s necklace, 2006) 1". Loin de la souplesse d'un collier, la sculpture est rigide, figée dans un équilibre improbable.
"Lacets bleus", 2008, Jean -Michel Othoniel
verre de Murano, métal, 160 x230 x35, oeuvre unique
Dans une petite salle des livres pop-up donnent du volume aux aquarelles. Les fragiles perles de papier se déclinent en couleurs douces.
Livre pop-up, Jean -Michel Othoniel
Le terme "baroque" vient du portugais « barroco » qui signifie de forme irrégulière, à propos d'une perle ou d'une pierre. Les perles de verre soufflées sont la signature de Jean-Michel Othoniel dont on peut voir le Kiosque des Noctambules devant le Théâtre Français à Paris. Autant l'entrée de métro Palais-Royal est exubérante et joyeuse, autant les nouvelles oeuvres de Jean-Michel Othoniel présentées à la galerie Perrotin sont sobres.
Jean-Michel Othoniel
Les Noeuds de Janus
Sculptures, oeuvres sur papier
Galerie Emmanuel Perrotin
10 Impasse Saint-Claude : 22 octobre - 23 décembre 2009
Farhad Moshiri, «Silly you, Silly me»
Du 22 octobre 2009 au 01 janvier 2010
76, rue de Turenne, 75003 Paris
Liens sur ce blog:
Jean-Michel Othoniel à Beaubourg, de soufre, de cire et de perles
Le Kiosque des noctambules de Jean-Michel Othoniel
Farhad Moshiri: Silly you, silly me, préciosité et ironie
Catherine-Alice Palagret
Texte et photos
1- Dossier de presse:
Après avoir exploré les possibilités de transformation du soufre, Jean-Michel Othoniel découvre l’art ancestral du verre et ses métamorphoses à Murano en 1993. Dès lors, il met en scène un monde féerique et baroque aux couleurs et aux matières chatoyantes où colliers, couronnes, mandorles, baldaquins surdimensionnés … signifient, à l’image des vanités, ou des parures de sépultures antiques, une présence/absence des êtres.
Mais au-delà de ses qualités formelles et séduisantes, son art révèle une beauté fragile aux blessures tangibles (le Collier Cicatrice en 1997 - collection du FNAC, en 2003 des colliers suspendus aux arbres témoignent des pendaisons des noirs pendant la ségrégation : L’Arbre aux Colliers au New Orleans Museum of Modern Art, Le Bateau de Larmes surmonté d’une couronne rend hommage aux réfugiés cubains à Bâle en 2005).
L’ambigüité des oeuvres de l’artiste réside aussi dans le caractère équivoque du verre, sacré, réfractant une lumière divine tel les vitraux d’une Eglise ou profane, symbolisant la transparence du désir (sentiment culminant dans les installations Crystal Palace à la Fondation Cartier, au MOCA de Miami en 2003-04 ou L’herbier merveilleux à la Chapelle du Méjean en 2008).
Jean-Michel Othoniel cherche désormais à échapper à l’aspect hiératique de ses oeuvres et à figurer ou figer le mouvement tout en approchant d’une certaine abstraction. Il développe « la question du corps absent. Il s’agit de créer des volumes d’absences, des constructions à dimensions variables où des corps pourraient se lover ».
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique