-
Les gisants aux insectes de Jan Fabre
Insectes, cerveaux, crânes, squelettes, les sujets obsessionnels de Jan Fabre nous parlent de mort. Le gisant, une tradition de la sculpture occidentale, sublime le corps pourrissant. Jan Fabre revisite ces vanités avec dérision, nous invitant à méditer sur la fragilité de la vie. Le plasticien flamand se définit comme un "guerrier de la beauté, chevalier du désespoir".
Elizabeth Caroline Crosby, gisant de Jan Fabre
Les corps sont délicatement sculptés en marbre de Carrare avec un grand réalisme. Poursuivant son dialogue entre art et science, Fabre représentent deux scientifiques, Elizabeth Caroline Crosby (1918-1983), neuro-anatomiste américaine et Konrad Lorenz (1903-1989), biologiste et zoologiste autrichien. Deux explorateurs des mystères du cerveau présentés comme des défunts royaux et qui, selon l'artiste, ressemblent à ses parents.
Effet de voile transparent, Elizabeth Caroline Crosby, gisant de Jan Fabre
Pourquoi représenter Konrad Lorenz, connu pour ses sympathies nazis? Jan Fabre répond à Inferno: " Honnêtement je pense que ça appartient à l’histoire, à un moment précis de l’histoire – et je ne veux pas juger. Mon travail défend la vulnérabilité du genre humain".
Elizabeth Caroline Crosby, gisant de Jan Fabre
55 x195 x74 cm
sculpture inspirée du Christ voilé de Giuseppe Sanmartino à Naples (1753)
Allongée sur un matelas brodé, le corps de Lady Crosby est couvert d'un léger voile. La femme semble endormie. Un ver se glisse sous le tissu, signe de décomposition, ou selon Jan Fabre, une allégorie de la fertilité. Le papillon posé sur le visage de la défunte est un symbole de résurrection comme les abeilles, araignées, scarabées. Ces insectes ont le même rôle que les lions et les chiens psychopompes (guides des âmes) aux pieds des sépultures royales. Autour des gisants, les cerveaux posés sur des socles sont comme des globes, des univers. Ils sont coiffés d'insectes, délicat papillon semblant butiner les circonvolutions de marbre ou araignée nichée dans une feuille hésitants entre la vie et la mort.
Trois insectes, Elizabeth Caroline Crosby, gisant de Jan Fabre
Les gisants et les cerveaux de marbre blanc sont exposés comme dans une chambre funéraire, calme et silencieuse. Pour Fabre une exposition est une mise en scène, une dramaturgie et bien sûr un acte spirituel. "L'art tel que je le perçois est un moyen de défense de la vulnérabilité de notre état d'humain, de défense de la vulnérabilité de la beauté." 1
The silk spun in the brain, 2012
marbre, 25 x19 x15 cm, Jan Fabre
Après les Piétas de la Biennale de Venise en 2011, des cerveaux monumentaux et "compassionate dream", une réinterprétation de la pieta de Michel-ange où un crâne remplace le visage de la vierge et le corps de Jan Fabre le corps supplicié du Christ, l'artiste flamand continue son exploration des vanités. Non sans humour comme en témoigne l'intitulé de ses sculptures: The silk spun in the brain, Origin of the state of foolishness, the whims of the brain of the Lime-stick man, Water-ballet of th brain (finale), the greedy and holy eyes of the brain, the golden jelly of the brain.
Carnivorous brain, of the spider that wanted to change the world, 2012
marbre, 37 x19 x16 cm, Jan Fabre
Jan Fabre est un plasticien et non un sculpteur. De talentueux marbriers de Carrare ont réalisé les oeuvres d'après les idées et les croquis de l'artiste. Les gisants de la Renaissance exprimaient la spiritualité d'une société et les sculpteurs y mettaient toute leur foi. Jan Fabre lui joue avec l'idée des vanités et de la résurrection et comme beaucoup de stars de l'art contemporain il ne réalise pas lui-même ses sculptures. Comme Jeff Koons, Murakami, Damian Hirst, Jan Fabre emploie de nombreux techniciens dans son atelier d'Anvers.
Dossier de presse:
Né en 1958 à Anvers, Jan Fabre est reconnu depuis la fin des années 1990 pour son œuvre d’homme de théâtre, de plasticien et d’auteur. Il s’intéresse depuis 1976 à l’art de la performance, et se lance en 1980 dans la mise en scène et la chorégraphie. Depuis, il a réalisé une trentaine de pièces mêlant danse et théâtre, dont la radicalité déclenche régulièrement la polémique, comme Je suis sang (2000) ou L’Orgie de la Tolérance (2009). En mai 2013 il présentera au Théâtre de la Ville à Paris The Tragedy of a Friendship consacré à la relation entre Nietzsche et Wagner.
Dessinateur invétéré, Jan Fabre crée des sculptures, modèles et installations qui font vivre ses grands thèmes de prédilection tels que la métamorphose ou l’artiste comme guerrier de la beauté. Parmi ses expositions personnelles les plus marquantes ces dernières années on peut citer celle du Museum voor Hedendaagse Kunst à Anvers en 2006 et du Musée du Louvre en 2008. Récemment, l’artiste a fait l’objet d’expositions au Kröller-Müller Museum d’Otterlo au Pays-Bas (Hortus/Corpus, 2011), au Kunsthistorisches Museum de Vienne et au Musée d’art moderne de St Etienne (Jan Fabre. Les années de l’heure bleue, 1986 – 1991, 2011).
Jan Fabre : Gisants
Du 28 février au 20 avril 2013
Galerie Daniel Templon Paris.
Liens sur ce blog:
Les curieuses chimères de Jan Fabre à la galerie Daniel Templon
Autres liens:
Entretien avec Jan Fabre in Inferno
Les pietas de Jan Fabre à la Biennale de Venise, vidéo
Palagret
art contemporain
mai 2013
« Affichage géant: un iphone monumental sur une bâche de travaux à BeaubourgArt et publicité: sous bock's art de 1664, des ronds de bière carrés »
Tags : Fabre, gisant
-
Commentaires