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Néon et art contemporain: He An, enseignes brisées
Dans l'obscurité de la nuit, He An vole des lettres de néon aux enseignes lumineuses de Wuhan, sa ville natale, comme il l'explique dans son interview:
" Je suis né à Wuhan, j’ai grandi dans cette ville et à la fin, elle m’a rejetée. C’est avec des moyens un peu puérils que j’essaie de me ré-approprier l’amour de cette ville."
He An, néons à la galerie Daniel Templon
"Tout ce que j’ai appris, je l’ai appris dans cette ville. Mais aujourd’hui, c’est comme si j’avais vécu un rêve et que je me réveillais. Tout a changé. On a du mal à distinguer ses rêves de la réalité." ... "C’est probablement un sentiment commun à toute ma génération, car l’urbanisme chinois s’est tellement développé, la ville a tellement changé, que tout le monde a cette sensation de se faire rejeter dans le vide dans le néant "
He An, néons à la galerie Daniel Templon
L'enseigne publicitaire est détournée de son utilité commerciale, elle ne propose plus des biens à acheter mais diffuse des message intimes.
« Chaque idéogramme volé est une parcelle de l’âme de ma ville que je me ré-approprie. Je transforme l’âme de ma ville et ma propre âme. »
He An, néon Yoshioka Miho
Etudiant, He An était fasciné par Yoshioka Miho, une actrice porno japonaise, dont il regardait les cassettes clandestinement, le porno étant interdit en Chine à l'époque. En hommage à l'égérie érotique de son adolescence, il épelle son nom en idéogrammes, un écho aux chambres du Red Light District, le quartier de la prostitution.
"C’est un peu comme voler le sous-vêtement d’une fille. ... Il ne s’agit pas de le dérober, mais de voler un fantasme à son sujet, un morceau d’elle. C’est une assimilation psychologique et imaginaire".
He Taoyuan, néon de He An en hommage à son père
Eparpillés sur le sol de la galerie Templon, des idéogrammes en mauvais état forment le nom du père de He An, « He Taoyuan », un ouvrier brisé par le système communiste selon lui. Après la mort de son père, He An est parti à la recherche de signes composant le nom de celui-ci.
He Taoyuan, néon de He An en hommage à son père
"A Wuhan, certains de mes amis font maintenant partie de bandes criminelles. D’autres occupent des postes importants dans la police. L’un de mes amis en est. Pour créer mes œuvres, j’ai négocié avec lui : tous les jours il met à ma disposition quatre ou cinq malfrats qui se procurent une voiture et viennent m’accompagner à la recherche des idéogrammes. Il les repèrent et les font tomber des immeubles, puis s’enfuient avec. Pour moi, c’était le moment le plus romantique, le plus beau de toute ma vie. Pendant l’hiver, la nuit, personne dans les rues, je me sens vraiment le roi de la ville ».
Let's see whether brother can help her, He An
Interview de He An
En 2000 à Shenzhen, He An installe dans la rue un néon rouge long de douze mètres disant en chinois: "Tu me manques, s'il te plait appelle moi" suivi de son numéro de portable. Des centaines de gens l'ont appelé, la plupart ignorant sans doute qu'il s'agissait d'une œuvre d'art.
En 2008 à Birmingham, sur le toit du parking Digbeth sur Moat Lane, He An proclamait en néon blanc: "I talked to Ah Chang on the way to work. After work I ended the relationship. I stood in Paradise Circus and cried for hours…" , "J’ai parlé avec Ah Chang en allant au travail. Après le travail, j’ai mis fin à notre relation. Je suis resté des heures à pleurer à Paradise Circus." Les lettres latines et les idéogrammes chinois formant un extrait de l'histoire intime de He An sont restés plus d'un an sur le toit du garage, laissant perplexes les passants.
Enseigne de néon blanc de He An à Birmingham, 2008
En collectant ou dérobant des enseignes de néon usées par le temps, He An lutte contre la perte de sens, faisant un travail subversif non dénué de sentiments, entre journal intime et détournement ironique.
La galerie Daniel Templon, impasse Beaubourg
He An, artiste conceptuel chinois est né en 1972, après la Révolution Culturelle. Il explore les interdits et les évolutions de sa culture. En Chine, les villes sont détruites et reconstruites si vite que les habitants se sentent perdus dans cet univers éphémère.He An
Du 05 novembre au 24 décembre 2011
du mardi au samedi de 10h à 19h
Galerie Daniel Templon, Impasse Beaubourg, 75003 Paris.
Liens sur ce blog:
Palagretjanvier 2012art contemporain« Freud, Einstein et les soldes: Affiches de la Présidentielle 2012: Philippe Poutou, Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) »
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