• Le bateau ivre d'Arthur Rimbaud, poème mural ancré rue Férou

     

        La poésie et les impôts feraient-ils bon ménage? Le Bateau Ivre, long poème d'Arthur Rimbaud, a jeté l'ancre non loin de l'église Saint-Sulpice. Les cent vers sont calligraphiés sur un mur du Centre des Finances publiques, rue Férou. Pourquoi là?

     

     Rimbaud Bateau ivre mur rue Férou 0Le bateau ivre, poème d'Arthur Rimbaud, calligraphié sur un mur rue Férou

     

      Très prosaïquement parce qu'il il y a là un grand mur nu un peu triste. Ensuite, depuis 2010, à deux pas du mur, il existe une plaque à l'angle des rues Bonaparte et du Vieux-Colombier où le 30 septembre 1871, Arthur Rimbaud a récité son poème au restaurant Denogeant, aujourd'hui disparu, lors du dîner des «Vilains-Bonshommes».

     

     

    Rimbaud-Bateau-ivre-mur-rue-Ferou-Saint-Sulpice.jpgLe bateau ivre, poème d'Arthur Rimbaud, calligraphié sur un mur rue Férou 

     

     

       Dans le poème Le Bateau ivre, Arthur Rimbaud raconte comment un bateau rompt ses amarres (Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots), une métaphore du poète rompant avec l'idéologie dominante et la poésie traditionnelle.

     

    Le Bateau, c'est à dire le poète, voit des choses magnifiques et horribles:

    "Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !

     Échouages hideux au fond des golfes bruns

    Où les serpents géants dévorés des punaises

    Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !"

     

     

    Rimbaud Bateau ivre mur rue Férou 2brumes violettes, Le bateau ivre, poème d'Arthur Rimbaud, calligraphié sur un mur rue Férou

     

     

          Mais le poète s'épuise dans toutes ces aventures:

    "Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. 
    Toute lune est atroce et tout soleil amer"

     

     

     

    Rimbaud Bateau ivre mur rue Férou 5Le bateau ivre, poème d'Arthur Rimbaud, calligraphié sur un mur rue Férou

     

     

           Le poète "regrette l'Europe aux anciens parapets !"

     

     

    Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
    Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
    Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
    Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

     

     

     

    Rimbaud Bateau ivre mur rue Férou 9Le bateau ivre, poème d'Arthur Rimbaud, calligraphié sur un mur rue Férou 

     

     

        Le vers "Les yeux horribles des pontons" nous semblent obscur comme beaucoup d'autres images du poème. Il s'agit d'une référence à la Commune de Paris.

     

    "On sait en effet qu'au lendemain de la semaine sanglante (21-28 mai 1871), ceux qui n’avaient pas été fusillés par les Versaillais furent entassés dans ces prisons flottantes qu’étaient les "pontons". En terminant son texte sur cette allusion très politique, Rimbaud ne laisse aucun doute sur sa volonté d’en éclairer le texte tout entier. Le bateau, dont le vers 41 nous dit qu’il a « suivi, des mois pleins, […] la houle à l’assaut des récifs », représente bien ce jeune communard que fut Rimbaud, spectateur probablement passif (verbe « suivre ») mais enthousiaste de l’épisode révolutionnaire, lequel épisode révolutionnaire trouve sa métaphore dans l'océan furieux." 1 

     

     

    Rimbaud Bateau ivre mur rue Férou 7Le bateau ivre, poème d'Arthur Rimbaud, calligraphié sur un mur rue Férou
    à côté de la librairie l'Âge d'homme
     
     

       Le poème est aussi une allégorie du cheminement de l'enfance à l'âge d'homme. Coïncidence, la maison d'édition "L'âge d'homme" est juste en face de la calligraphie.

     

     

    Rimbaud Bateau ivre mur rue Férou 1 Jan Willem Bruins calligraphiant Le Bateau Ivre 

     

     

      Ce poème mural de 300 m2 a été réalisé par le peintre calligraphe hollandais Jan Willem Bruins

     

     

     

     

     Rimbaud pochoirPochoir d'Arthur Rimbaud, d'après la photo  prise en 1871 par Etienne Carjat

     

     

     

     

    Le bateau ivre, poème d'Arthur Rimbaud

    Calligraphié sur un mur de la rue Férou

    Paris 6è

     

     

     

    Palagret

    archéologie du quotidien

    août 2012

     

     

     

    Source:

    1- Analyse du Bateau ivre

    Wikipedia, les Vilains Bonhommes

     

     

    Le bateau ivre

    Comme je descendais des Fleuves impassibles,
    Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
    Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
    Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

    J'étais insoucieux de tous les équipages,
    Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
    Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
    Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

    Dans les clapotements furieux des marées,
    Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
    Je courus ! Et les Péninsules démarrées
    N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

     

     

     

    Rimbaud pochoir voyellesVoyelles, poème imprimé sur le visage d'Arthur Rimbaud, street-art

     

     

     

     

    La tempête a béni mes éveils maritimes.
    Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
    Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
    Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

    Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
    L'eau verte pénétra ma coque de sapin
    Et des taches de vins bleus et des vomissures
    Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

    Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
    De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
    Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
    Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

    Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
    Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,
    Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
    Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

    Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
    Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
    L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
    Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !

    J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
    Illuminant de longs figements violets,
    Pareils à des acteurs de drames très antiques
    Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

    J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
    Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
    La circulation des sèves inouïes,
    Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

    J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
    Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
    Sans songer que les pieds lumineux des Maries
    Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

    J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
    Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
    D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
    Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

    J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
    Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
    Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
    Et les lointains vers les gouffres cataractant !



    J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
    Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
    - Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
    Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

    Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
    La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
    Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
    Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

    Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
    Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
    Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
    Des noyés descendaient dormir, à reculons !

    Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
    Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
    Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
    N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;

    Libre, fumant, monté de brumes violettes,
    Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
    Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
    Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

    Qui courais, taché de lunules électriques,
    Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
    Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
    Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

    Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
    Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
    Fileur éternel des immobilités bleues,
    Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

    J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
    Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
    - Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
    Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?

    Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. 
    Toute lune est atroce et tout soleil amer :
    L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
    Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

    Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
    Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
    Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
    Un bateau frêle comme un papillon de mai.

    Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
    Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
    Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
    Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

     

    Arthur Rimbaud

     

     

     

     
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  • Commentaires

    1
    Raphaël Zacharie de
    Lundi 20 Août 2012 à 12:00
    RIMBAUD POT-AU-FEU Comment pourrais-je croire en Rimbaud, alors qu'on l'évoque avec des vapeurs d'éther dans la bouche, des ronds de fumée dans la tête, de gros lapins rouges dans le chapeau ? Un personnage inspirant des clichés aussi indigents est trop suspect... Moi quand je parle d'Arthur, il me sort de la bouche des postillons, de la tête des idées vagues, du chapeau rien du tout. Je ne crois pas en ces grandeurs scolaires inculquées par la superstition républicaine. Les "poteaux de couleurs", les "peaux rouges criards" et autres "haleurs" sont de pures sottises d'érudits. Certes bien tournées dans la forme, mais écrites pour le vent des envolées vides et cependant lues avec d'imbéciles frémissements dans la voix. Révélateur de la triste capacité de l'esprit humain à se laisser bercer par des sornettes, Rimbaud est le symbole de l'embrigadement des masses crédules et ignorantes dans une sensibilité poétique frelatée, artificielle, relayée par de doctes cornichons de l'Académie à qui nul n'oserait tenir tête. Moi je prétends que Rimbaud est un médiocre voyant et que ses disciples sont de bêlantes andouilles. Parce que l'Enseignement National a inclus dans son programme ces pompeuses, indigestes carottes diarrhéiques censées incarner l'aboutissement de la Beauté verveuse et métrique (au lieu de dispenser en priorité à ces populations scolaires de bonnes grosses patates poétiques bien substantielles ou d'exquises salades lyriques pleines de légèreté, plus propres à contenter leurs véritables aspirations juvéniles), des générations de rebelles à la carotène enrégimentés par leurs professeurs de lettres font semblant d'apprécier le mets orange. Le clou Rimbaldesque est à ce point enfoncé dans ces crânes ramollis que cracher sur le plat officiel est perçu comme un acte quasi criminel. Je ne doute pas que j'aurai toujours sur le dos ces hordes de contaminés de la "pensée universitaire" pour me reprocher ma dissidence déplacée, à leurs yeux inacceptable... En effet, dans ce système bien huilé où l'esprit se nourrit de certitudes institutionnelles, on ne s'oppose pas ainsi au Dieu Rimbaud. Rimbaud, on ne le discute pas : ou on le vénère, ou on n'est rien qu'un pauvre épicier de province inaccessible aux hauteurs zénithales... Au fait, qui parlait de rébellion poétique ? Raphaël Zacharie de IZARRA
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