• Travailler moins, gagner plus, quatre mots de Ko Siu Lan et un scandale aux Beaux-Arts de Paris

      

         « Travailler plus pour gagner plus », un beau slogan sarkozyste vite détourné par des travailleurs peu convaincus de la beauté de perdre sa vie à la gagner. Préférant « Travailler moins pour gagner plus » ou " Travailler moins pour gagner moins et vivre mieux", les objecteurs de croissance, ces feignants, n'ont aucune envie de faire partie de « la France qui se lève tôt » 1. Avec la crise et le chômage, l'exhortation vertueuse du Président de la République ne s'entendait plus beaucoup.

     

    Ko Siu Lan travailler moins 9Travailler moins, deux banderoles de la plasticienne Ko Siu Lan, sur la façade des Beaux-Arts de Paris

     

     

        Il a suffi de deux bannières noires portant au recto les mots « gagner », « plus » et au verso « travailler », « moins » pour que l'exhortation sarkozyste, détournée, revienne sur le devant de la scène. Marchant sur le quai Malaquais, le passant pouvait lire sur la façade de l'Ecole des Beaux-Arts "Travailler moins" dans un sens et "Gagner plus" dans l'autre. Pour lire la phrase en entier il fallait  le vouloir et revenir sur ses pas. Henry-Claude Cousseau, le directeur des Beaux-arts s'est ému de cette ironie mal placée; l'oeuvre aurait pu déplaire en haut lieu. 

     

     

    Ko Siu Lan travailler moins 7Gagner plus, deux banderoles de la plasticienne Ko Siu Lan, sur la façade des Beaux-Arts de Paris

     

     

     

        Henry-Claude Cousseau a donc censuré l'oeuvre de la plasticienne chinoise Ko Siu Lan et fait  décrocher les deux bannières "subversives", estimant que l'œuvre "pouvait constituer une atteinte à la neutralité du service public et instrumentaliser l'établissement".

     

       La plasticienne a aussitôt crié à la censure: "Je trouve ça dégueulasse. En Chine, on parle beaucoup de censure mais mon travail en Chine n'a jamais été censuré de manière si brutale" 2.

     

     

     

    Ko Siu Lan travailler moins 8Travailler moins, deux banderoles de la plasticienne Ko Siu Lan, sur la façade des Beaux-Arts de Paris

     

     

     

         Après quelques hésitations, le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a demandé que les banderoles censurées soit remises en place. Ce qui fut fait samedi soir.

     
         Manque d'humour, désir de ne pas faire de vagues, neutralité de l'institution, toutes ces raisons n'ont conduit qu'à une surexposition de la jeune femme.Dans les démocraties, la censure a souvent pour effet de mettre en lumière ce qu'on veut cacher. Ko Siu Lan peut remercier cette censure qui a déclenché un beau tapage médiatique. Si les ironiques banderoles n'avaient pas été décrochées, peu les aurait remarquées, Ko Siu Lan n'étant pas très connue. De plus, les banderoles sur les façades annoncent des expositions et ne sont pas perçues comme des oeuvres d'art. La plupart des passants ne leur prêtent aucune attention.

     

     

     

    Ko Siu Lan travailler moins 5Travailler moins, deux banderoles de la plasticienne Ko Siu Lan, sur la façade des Beaux-Arts de Paris

     

     

        A la décharge du directeur des Beaux Arts, on peut noter qu'il a été échaudé en 2000 alors qu'il était directeur du Musée d'art contemporain de Bordeaux. L'exposition “présumés innocents,” mettait en scène des mineurs dans des situations ambigües, ce qui provoqua la colère d'Alain Juppé qui refusa alors d’inaugurer l’exposition. Sur la plainte d'une association locale, Henry-Claude Cousseau fut mis en examen pour diffusion de pornographie infantile, passible de plusieurs années de prisons et de lourdes amendes. La plainte est en attente de jugement mais après ça, on comprend la timidité d'Henry-Claude Cousseau 3.

     

     

    undefinedTravailler moins pour gagner moins et vivre mieux
    affiche de Courrier international au métro Place Clichy, janvier 2008

     

     

       Le mot moins est certainement emblématique de la crise et des réformes en cours:  moins de pouvoir d'achat, moins de professeurs, moins de retraite etc ... Soyons juste, il y a quand même des plus: plus de bonus, plus de gardes à vue, plus de caméra de surveillance etc ..., tout n'est pas si négatif.    

     

       Les deux banderolles subversives de sept mètres de haut sont maintenant raccrochées sur la façade des Beaux-Arts de Paris, dans le cadre de l'exposition « Seven day week-end / Week-end de sept jours »

     

     

    « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. »4

     

     

     

    SEVEN DAY WEEK END / WEEK END DE SEPT JOURS
    Du 13/02/2010 au 21/02/2010

    Beaux-arts de Paris, école nationale supérieure, Galeries d’exposition, salle Foch.

    13, quai Malaquais 75006 Paris

    Ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 13h à 19h.

    Entrée libre

     

     

    Site de Ko Siu Lan


    Liens sur ce blog:
    Travailler plus pour gagner plus, quelques détournements en images
    Travailler plus pour crever plus tôt, graffiti protestataire
    Travailler plus pour gagner plus ? Ou travailler moins pour gagner moins et vivre heureux? La décroissance

    Mondino, Damien Saez et la femme nue dans le caddy: censurés


    Palagret
    Texte et photos
    février 2010

    cc.gif


    1- in Technologies du langage

    Discours de Nicolas Sarkozy le 6 mars 2005 devant le Conseil national de l’UMP.

    "C'est pourquoi l'Union pour un Mouvement Populaire souhaite que l'on fasse davantage pour la France qui se lève tôt le matin et qui pour autant peine à boucler ses fins de mois. La France qui travaille. La France qui ne demande rien, mais qui se lasse qu'on exige tant d'elle. La France qui est généreuse et solidaire, mais qui est en droit d'attendre de ceux de ses enfants qu'elle aide qu'ils fassent un minimum d'efforts personnels pour s'en sortir. La France qui n'en peut plus du nivellement, de l'égalitarisme et de l'assistanat, doit être entendue, écoutée et récompensée."

     

    2- in le JDD du 12 février

    3- L'annulation le 2 mars 2010 de la procédure à propos de « Présumés innocents », l'exposition du CAPC de Bordeaux, autour de l'enfance dans l'art contemporain, vient clore une affaire vieille de dix ans.

    4- disait Beaumarchais par la bouche de Figaro.

     

     

     
    « Bouquinistes de Paris: entre bimbeloterie, bric à brac et livres anciensTravailler plus pour gagner plus, quelques variations »
    Pin It

  • Commentaires

    1
    Christine
    Samedi 25 Septembre 2010 à 12:00
    Amusant Cette artiste hurlait à la censure, "Tonvoisin Debureau" n'aurait-il pas pu hurler au plagiat ? a debattre "travailler moins gagner plus" date d'aout 2008, il vient de sortir en poche comme quoi... l'exigence de justice est tres relative... http://www.amazon.fr/Travailler-Moins-Gagner-Tonvoisin-Debureau/dp/235076088X le blog de cet écrivain http://www.tonvoisin.fr
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :