• C'est la vie! Vanités: quelques crânes dans l'art contemporain

     

      Les crânes sont l'élément central des vanités et des memento mori dans la peinture occidentale. Posés à côté, des fleurs fanées, des fruits pourrissants, des bougies éteintes renforcent le message:
     

    « vanitas vanitatum et omnia vanitas »
    [«Vanité des vanités, tout est vanité.» Écclésiaste, 1.2]
     


    Vanites-Renard-de-Saint-Andre-Vanitas-1650.jpgVanitas, vers 1650
    huile sur toile, 52 x 44 cm
    Simon Renard de Saint-André


       Les livres ouverts symbolisent la connaissance, les bijoux la richesse, les instruments de musique les plaisirs, préoccupations humaines que la mort rend vaines. Dans un langage codé, tout concourt à évoquer la fragilité des plaisirs terrestres et l'inéluctabilité de la mort.


    Vanites-squelette-cercueil.jpgCercueil ouvert, crânes et squelette miniature pour cabinet de curiosités

    « J'ai été ce que tu es et tu seras ce que je suis. »


         Cette iconographie de crânes et de danses macabres, nombreuse au moyen-âge et au XVIIè siècle, disparait à l'époque des Lumières ainsi que les cabinets de curiosités qui contenaient tout un bric à brac mortuaire.

        Après la première guerre mondiale, les têtes de mort sont de nouveau présentes dans l'art contemporain. Picasso, Braque, Dali, Warhol ont tous peint des vanités. Les génocides, le sida, comme la peste noire au moyen-âge, mettent la mort au coeur de l'art.


    VanitesYan-Pei-Ming-crane-Maillol.jpgCrâne de Yan Pei Ming, 2004
    plâtres de Maillol
    , exposition Vanités, de Caravage à Damien Hirst


         L'exposition "Vanités, de Caravage à Damien Hirst" présente des tableaux et des sculptures qui de Pompéï à Damien Hirst illustrent ce thème. Les contemporains représentent les crânes le plus souvent seuls sans les symboles de la peinture classique.

         Les crânes (Schädel) de Gerhard Richter sont à la fois hyper-réalistes et légèrement flous comme dans une photo ratée. Ici aucune fleur fanée ou aucun sablier ne symbolise le passage inéluctable du temps. Il n'y a pas non plus de contexte spirituel ou religieux. Posé sur un sol nu, dans l'angle d'une pièce, entre un mur foncé et un mur clair, le crâne aux orbites vides est tourné vers le mur clair indiquant un possible espoir.

      Yan Pei Ming brosse des crânes à grands traits de pinceau dans les tons de gris. Isolés ou inclus dans une grande composition comme Mona Lisa,
    ils sont exécutés à partir de radiographies du crâne de l'artiste; il s'agit d'auto-portrait pre-mortem.

        Claudio Parmiggiani montre l'empreinte des crânes posés sur une étagère, comme l'empreinte des livres brûlés qu'il exposait au Couvent des Bernardins.
    Il peint l'absence, la trace évanescente de la vie.

        A côté de ces oeuvres relativement sobres, d'autres artistes sont plus kitschs.

         Love of God de Damien Hirst, le fameux crâne en platine serti de 8601 diamants, estimé à 100 millions d'euros n'est pas exposé.
    Vrai provocation, la sculpture évoque pourtant bien la puissance de l'argent et son inutilité face à la mort.
    For the love of God, laugh (2007), une simple sérigraphie recouverte de poussière de diamants remplace la précieuse icône .


    Vanites-Dietman-Fabre-crane.jpgL'oisillon de Dieu, 2000 de Jan Fabre, à droite
    "La Sainte Famille à poil, nature morte pour Carême, 1990
    Erik Dietman

     
     
      Un autre crâne de Damien Hirst est couvert de mouches engluées dans la résine, les mouches qui prolifèrent sur les cadavres en putréfaction. Jan Fabre lui recouvre son crâne de coléoptères. Il tient dans ses mâchoires un oiseau au plumage vert. Philippe Pasqua couvre un crâne de papillons.

        Dimitri Stykalov sculpte des têtes de mort dans des végétaux (poivron, aubergine, pomme) qu'il photographie avant qu'ils ne se décomposent. Le résultat est plutôt comique.
     
     
     

    Vanites-Hirst-Niki-de-Saint-Phalle-Tete-de-mort.jpgTête de mort II, 1988, polyester peint, 115 x 125 x 90 cm, Niki de Saint-Phalle
    Au fond, Death of God de Damien Hirst


        Le monumental crâne au nez rouge de Niki de Saint-Phalle est joyeux et coloré, comme celui de la fontaine Stravinski.

        Subodh Gupta entoure un crâne en métal de brillants ustensiles de cuisine, des pots et des assiettes vides symboliques de la faim.

        Annette Messager compose un crâne sur le mur avec des gants noirs percés de crayon de couleur, une image de la mort pas vraiment terrifiante, renvoyant aux terreurs enfantines.


    Vanites-Messager-Gants-Tete-1989.jpgGants tête, 1999, gants et crayon de couleur, 178 x 133 cm
    Annette Messager

        Plus baroque, Cindy Sherman photographie un crâne aux orbites ornées de pierres précieuses.
    Un lourd collier lui pend au cou. Une couronne de fleurs coiffe le haut de la tête. L'image horrifique est bien un mémento mori où la richesse des bijoux se mêle à la décomposition.
     
     
     
     
    Vanités J D Chapman vers araignéeCrâne, asticots, mouches et araignée velue, crâne de Jack et Dino Chapman
     
     
     
     
     
        Le crâne le plus horrifique et le plus extravagant est certainement celui des frères Jack et Dino Chapman, digne d'un film d'horreur. Tirant une langue rose bien charnue,  l'os mis à nu grouille d'asticots qui lui sortent des orbites et de ce qui fut le nez. Sur le dessus, des mouches et une belle araignée noire se promènent. Une esthétique de l'horreur proche de la tête coupée de Jacopo Ligozzi (XVIIè) où le visage en putréfaction est figé dans un cri silencieux. Pourtant ici, il s'agit plus de dérision et de Grand Guignol que de spiritualité, entre horreur, fascination et rire.

       L'exposition commence par les oeuvres contemporaines et se terminent par de vrais chef-d'oeuvres comme Saint François en méditation de Caravage (vers 1602), Saint François agenouillé de Zurbaran (vers 1635), l'extase de Saint François de Georges de la Tour (1640-1645), les trois crânes de Géricault (1814) ou Nature morte, Crâne et chandelier de Paul Cézanne (1812).



    C'est la vie! Vanités, de Caravage à Damien Hirst

    Du 3 février au 28 juin 2010

    Fondation Dina Vierny, Musée Maillol
    59-61, rue de Grenelle 75007 Paris
    01 42 22 59 58

    www.museemaillol.com

     



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    Claudio Parmiggiani au collège des Bernardins: après le fracas ...
    Crânes et tibias dans le street-art, I
    Têtes de mort dans le street-art, II
    Publicité et vanités, un crâne et des lunettes
     
     
     
     
    Palagret
    février 2010
     
     
     
    « Art contemporain, catégorie art rigolo mais inquiétant IIDémolition et traces urbaines, impasse Rançon à Paris »
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  • Commentaires

    1
    Vilon Philippe
    Mardi 18 Octobre 2022 à 01:14
    Vilon Philippe

    J ai été heureux et surpris de trouver ce blog puisque je pensais à realiser un post sur le sujet.Je pensais à Buffet et Basquiat.Le sujet est immense .Je me permettrai de vous communiquer mon petit travail si je réussis à concrétiser.

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