Notre silence dit non
A l'heure de la sortie des bureaux, la rue de Rivoli charrie un flot de voitures bruyantes, les trottoirs sont encombrés de gens pressés qui se bousculent et là, sur la place entre le musée du Louvre et le Conseil d'Etat, où flotte le drapeau français, se tient un groupe indifférent à l'agitation de la ville. Pas de mégaphone, de slogans martelés, de défilé, à peine une banderole; le cercle de silence du Palais Royal est impressionnant de calme et de dignité.
Pancarte de protestation contre les expulsions de sans-papiers Cercle de silence, place du Palais Royal, Paris
Les militants forment un cercle humain autour d'une lampe-tempête symbolisant l'éveil. Des passants, arrêtés par la présence muette de tant de gens immobiles, se joignent à eux pour une heure ou quelques minutes et les manifestants font alors un pas en arrière pour élargir le cercle. Certains portent dans le dos des pancartes avec des slogans et des photos.
"Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes,
Je me suis tu, je n'étais pas communiste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les syndicalistes
Je me suis tu, je n'étais pas syndicaliste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les socio-démocrates
Je me suis tu, je n'étais pas social démocrate.
Lorsqu'ils sont venus chercher les juifs
Je me suis tu, je n'étais pas juif.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait plus personne pour protester.
Poème écrit à Dachau, attribué à Martin Niemöller
"Sans-papiers, traqués, enfermés, expulsés, notre silence dit Non."
Pancartes de protestation contre les expulsions de sans-papiers
Cercle de silence, place du Palais Royal, Paris
Initiés en 2007 par les Frères franciscains de Toulouse pour protester contre le traitement inhumain des sans-papiers, les cercles de silence se sont répandus dans plus de 120 villes de France. Entre 6000 à 8000 participants, de toutes confessions ou athées, entrent dans le cercle chaque mois.
"Tchéchène ou pas, j'ai faim, j'ai froid" Pancarte de protestation contre les expulsions de sans-papiers Cercle de silence, place du Palais Royal, Paris
Les protestations silencieuses ne sont pas nouvelles. En 1917, 8000 afro-américains descendirent la cinquième avenue à New-York pour protester contre les violences faites aux noirs à travers le pays.
En 1968, aux jeux olympiques de Mexico, deux coureurs noirs 1 montés sur le podium levèrent le poing en signe de protestation silencieuse contre le racisme.
" A ceux qui affirment: qu'on ne peut pas accueillir toute la misère du monde,
nous leur répondons: qu'il fallait commencer par
ne pas piller toutes les richesses du monde."
Pancartes de protestation contre les expulsions de sans-papiers Cercle de silence, place du Palais Royal, Paris
En 1977 à Buenos-Aires, quatorze mères de disparus, protestèrent contre la dictature argentine. Silencieuses, sans banderole, coiffées d'un foulard blanc, ces femmes avaient l'air bien inoffensives et les officiers, qui gardaient la Casa Rosada, les surnommèrent les Folles de Mai. En 1980, les Folles de Mai sont célèbres. Les rondes hebdomadaires mobilisent plus de 2000 femmes devant le palais présidentiel. En 1994, onze ans après la fin de la dictature et plus de 30 000 disparitions, l'état argentin reconnait enfin un statut juridique à la disparition mais les disparus, enlevés, torturés, sont toujours absents.
Manifestants immobiles contre les expulsions de sans-papiers Cercle de silence, place du Palais Royal, Paris
En Juin 2009, des marches silencieuses ont eu lieu à Téhéran contre l'élection controversée du président Mahmoud Ahmadinejad.
Distribution de tracts contre les expulsions de sans-papiers Cercle de silence, place du Palais Royal, Paris chaque troisième vendredi du mois
Place du Palais Royal, il émane une force étonnante de cette assemblée silencieuse où se mêlent des gens de tout âge, retraités ou adolescents. Le silence peut être assourdissant et le logo de l'association est ironiquement un mégaphone. Le silence est aussi une arme, il faut seulement être patient, ou optimiste.
Marche des Tamouls à Paris contre le génocide au Sri Lanka
Palagret
septembre 2009
1- Tommie Smith, medaille d'or, et John Carlos, bronze pour le 200m.
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Communiqué du Cercle de silence Paris:
Par notre participation au cercle de silence,
Nous voulons dénoncer les traitements inhumains réservés aux migrants du seul fait qu'ils n'ont pas de papiers en règle.
Nous n’acceptons pas que soient prises en notre nom des dispositions (lois, décrets, circulaires) qui brisent des vies humaines et font voler en éclat des couples et des familles.
Nous refusons les interpellations au faciès, l'enfermement d'hommes, de femmes et même d'enfants dans des centres de rétention administrative et leur expulsion.
Nous dénonçons les conditions de détention inhumaines dans les centres de rétention administrative et les zones d'attente des aéroports et, avant tout, leur existence.
Nous n’acceptons pas que la France, en vertu de lois de plus en plus contraignantes, refuse sa protection aux demandeurs d'asile qui sont exposés à de très graves dangers en cas de retour dans leur pays d'origine.
Nous dénonçons les obstacles administratifs qui visent à rendre de plus en plus difficile l'obtention d'un titre de séjour et contraignent des hommes, des femmes, des familles entières à vivre et à travailler dans la clandestinité et la peur, privés de tout projet et de conditions de vie simplement décentes.
Nous refusons cette chasse aux étrangers qui inflige aussi des traumatismes profonds à ceux qui en sont les témoins, à la société toute entière, aux enfants particulièrement. Les atteintes à la dignité de quelques-uns blessent tous les hommes dans leur humanité.
Nous voulons que la France redevienne un pays d'accueil, sans cesse enrichi et transformé par des êtres humains venus du monde entier.
Nous en appelons à la conscience de tous et vous invitons à rejoindre Le cercle de silence
Place du Palais-Royal, 75001 Paris
M° Palais-Royal Musée du Louvre
Le 3e vendredi de chaque mois
De 18h30 à 19h30