• Kosuth au Louvre, néons, confusion et désorientation

     

       Sans vous laissez aveugler par les phrases de néon, contournez le donjon médiéval, ne descendez pas dans le puits, ne prenez pas le casque de parade de Charles VI, entrez dans la crypte, la crypte annoncée dès la sixième inscription lumineuse de Joseph Kosuth:

    "Le texte ne devient complet que lorsque vous arrivez à la crypte."
     



    Le donjon est quelque part en avant, et le puits sur son chemin. La crypte est à la fin. Le mur est un support et me sert de tabula rasa.
    "ni apparence ni illusion" néons de Joseph Kosuth au Louvre



       Comme dans un jeu de piste aux indices obscurs, le visiteur avance et lit les quinze phrases de ‘ni apparence ni illusion’, l'installation au néon de Joseph Kosuth, l'artiste conceptuel américain invité au Louvre. Le visiteur espère qu'à la fin de sa quête le texte sera complet, l'énigme dévoilée; il pourra alors passer au niveau suivant. Joseph Kosuth nous prévient pourtant:
     

       "Certains murs vous incitent à demander : qu’y a-t-il de l’autre côté ? Ces murs-ci ne décrivent que leur propre limite. Ils vous saisissent, mais ne vous demandent rien".
     

      Joseph Kosuth travaille d'habitude avec des citations. Ici, il a écrit les phrases lui-même, probablement aidé par un traducteur. Il utilise un vocabulaire de conte ésotérique: fondation, histoire enfouie, tour, puits, crypte. Il parle d'archéologue et de bibliothécaire, découvreurs et gardien du savoir, de tabula rasa, de confusion et de désorientation, d'étincelles visibles, d'apparences et d'indifférence.
     


    Louvre-m-di-val-Kosuth-confusion.jpgÀ chaque coin, le mur offre des suggestions et des options, mais aussi confusion et désorientation. Le mur derrière nous n’est porteur d’aucune anticipation.
    "ni apparence ni illusion" néons de Joseph Kosuth au Louvre


       En évitant le pont-levis, en passant devant la Grande Vis puis en quittant les fossés obscurs, le visiteur-joueur arrive enfin à la crypte où des vestiges de murs et de piliers médiévaux soutiennent un plafond de béton. Dans cet espace confiné brillent les trois dernières sentences écrites en lettres lumineuses: 
    Treizième sentence:
     
     Le souci des apparences ne vous inspire que méfiance, et le mur affiche son indifférence. L’histoire proposée est à la fois profonde et muette.
     

    Louvre-medieval-Kosuth-apparences.jpg"ni apparence ni illusion" néons de Joseph Kosuth au Louvre


    Quatorzième sentence:
    La lumière nous conduit plus profondément dans son autoréflexion, comme une récompense. Mais c’est vous qui apportez le sens, qu’il faudra y retrouver.
     


    Louvre-medieval-Kosuth-crypte-lumiere.jpgLa lumière nous conduit plus profondément dans son autoréflexion, comme une récompense. Mais c’est vous qui apportez le sens, qu’il faudra y retrouver.
     
     

    Louvre-medieval-Kosuth-crypte-1249.jpg"  le sens, qu’il faudra y retrouver"
    "ni apparence ni illusion" néons de Joseph Kosuth au Louvre

     

    Quinzième sentence:
    Quinze pierres en place, toutes sorties de l’ombre, ces mots lumineux rendent visibles à la fois celui qui voit et celui qui est vu. Le mur, le passage.
     
     


    Quinze pierres en place, toutes sorties de l’ombre, ces mots lumineux ...
    "ni apparence ni illusion" néons de Joseph Kosuth au Louvre
     



    Louvre-medieval-Kosuth-crypte-passage.jpg Le mur, le passage.
    "ni apparence ni illusion" néons de Joseph Kosuth au Louvre



         C'est la fin du parcours fluorescent et pourtant rien ne s'éclaire, le visiteur n'a pas la clef de l'énigme. Derrière l'apparence, l'illusion. Kosuth joue avec la lumière du néon et l'obscurité des phrases. Il se joue de nous et écrit ironiquement:

    "c’est vous qui apportez le sens, qu’il faudra y retrouver.".


        Avec ces phrases qui semblent sorties d'un vieux grimoire, Joseph Kosuth conjugue temps anciens et modernité. Dans les profondeurs de Paris,accrochée aux murs monumentaux de Philippe Auguste, l'élégante typographie de néon  éclaire à peine les pierres écroulées dans les fossés 1.  Les mots rayonnent dans une semi-obscurité sans troubler le mystère de ce lieu souterrain longtemps enfoui. La promenade est d'une grande poésie visuelle.




    Voir la liste des quinze inscriptions au néon, "ni apparence ni illusion" de Kosuth, au Louvre



    Joseph Kosuth
    ‘ni apparence ni illusion’
    du 22 octobre 2009 au 21 juin 2010
    Musée du Louvre, Paris
    Aile Sully, Louvre médiéval



    Liens sur ce blog:
     

    Louvre: Umberto Eco, vertige de la liste, énumérations, catalogue etc ...

    Louvre: Yan Pei-Ming, les larmes de Monna Lisa

    Louvre: Soulage, outrenoir et maîtres italiens de la Renaissance

    Ruines et reconstructions, Makom de Michal Rovner, d'Israël au Louvre

     
     
    Palagret
    janvier 2010
    art contemporain au Louvre
     
     
     
    1- Le Louvre médiéval, le donjon de Philippe-Auguste et les fossés de Charles V, sont restés enfouis jusqu'à leur exhumation en 1984 lors des travaux du Grand Louvre.
     
     
     
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