-
Michel Blazy, Bouquet final au collège des Bernardins, éloge de la lenteur
Installations éphémères d'écorces d'oranges pourrissantes, de purée de carotte, de nouilles de soja, de lentilles, de ketchup ou de mousse débordant de poubelles, Michel Blazy travaille avec le vivant, l'instable, l'éphémère.
Bouquet final, Michel Blazy, Collège des Bernardins
Dans l'ancienne sacristie du Collège des Bernardins, Michel Blazy n'expérimente pas cette fois avec des matériaux organiques mais avec un banal produit artificiel, de la mousse de bain. A dix heures du matin, il y a très peu de mousse qui sort des bacs accrochés à l'échafaudage; peu à peu la mousse enfle, s'accumule et finit par tomber silencieusement. Le fragile drapé virevolte élégamment avant de se dissoudre lentement au sol. Ce matériau léger et translucide donne l'illusion de la vie en s'épandant et en se rétractant en d'imperceptibles évolutions.
Bouquet final, Michel Blazy, Collège des Bernardins
Il faut longtemps contempler le mur pour voir enfin de gros nuages blancs se détacher. Le meilleur moment est vers cinq heures quand l'accumulation des bulles cède à la pesanteur. Le soir, les moteurs qui génèrent la mousse sont éteints et chaque matin la fontaine de mousse renaît, toujours différente, comme une métaphore de la naissance et de la mort, de la fragilité des choses.
MICHEL BLAZY, bouquet final au Collège des... par Palagret
Interview de Michel Blazy:
"Exponaute: Bouquet final est une sorte de bas-relief qui dialogue avec l'architecture majestueuse de l'ancienne sacristie du Collège des Bernardins. Comment avez-vous abordé cet espace et cet environnement mystique ?
Michel Blazy: C'est la pièce la plus importante que j'ai faite en mousse, elle mesure six mètres de haut sur huit de large. Ça fait une dizaine d'années que j'utilise ce matériau, mais c'est la première fois que je dépasse véritablement l'échelle humaine. Je suis parti de la sensation que l'on peut avoir dans les lieux de culte, où le corps est complètement dépassé par l'architecture, où l'on est dans une attitude de respect car on est dominé – ce qui peut même être inquiétant, oppressant. Je voulais rendre l'équivalent de cette sensation, mais avec un phénomène vivant.
Bouquet final, Michel Blazy, Collège des Bernardins
Le drapé, la statuaire, le mouvement, le contraste entre le solide et le mou... : il y a dans l'œuvre quelque chose de baroque, de l'ordre de la démesure, du maniérisme. J'espérais que le côté mystique du lieu charge la pièce, grâce à cette matière mystérieuse, en apparence fixe, mais qui bouge, se déplace. C'est comme une plante que l'on ne voit pas pousser – même si c'est le cas, imperceptiblement.
Bouquet final, Michel Blazy, Collège des Bernardins
Exponaute: On y retrouve les notions de temps et de cycles, importantes dans votre travail. Ici l'œuvre est calée sur les heures du jour.
M.B: En effet elle meurt dans la nuit – les moteurs sont éteints, la mousse disparaît – et repousse le lendemain matin. Je suis parfois sur des cycles plus longs, parfois plus courts. ... Chaque pièce a son propre cycle. C'est la durée de vie de l'œuvre qui m'intéresse. Dans celle-ci, le meilleur a lieu à la fin de la journée, juste avant qu'on ne ferme les portes – d'où le titre de Bouquet final.
La mousse au sol éclate et meurt
Bouquet final, Michel Blazy, Collège des Bernardins
Exponaute: Il y a dans vos œuvres une part d'inconnu, de hasard , d'infini...
M.B: J'ai la volonté de ne pas maîtriser les processus à 100 %, mais d'être simplement là pour les encourager, les accompagner. Un peu comme un jardinier qui plante une salade, mais ne sait pas exactement quelles seront les conditions météo, et ne peut pas savoir avec précision quelle sera la forme de sa salade... L'auteur dialogue avec les éléments et a un pouvoir limité. Il y a le désir que l'on projette sur les choses, et ce qui arrive : l'œuvre prend le chemin entre les deux. Ce qui m'intéresse, c'est toute cette incertitude."
Bouquet final, Michel Blazy, Collège des Bernardins
Extraits des propos recueillis par Magali Lesauvage pour Exponaute.
Bouquet final, Michel Blazy, ancienne sacristie du Collège des Bernardins
Bouquet final, Michel Blazy
Du 10/05/2012 au 15/07/2012
Collège des Bernardins, ParisBouquet final, Michel Blazy, Collège des Bernardins
Art contemporain au Collège des Bernardins:
L'art brut de Judith Scott: cocons multicolores et totems au Collège des Bernardins
Claudio Parmiggiani au collège des Bernardins: le labyrinthe brisé
Michel Blazy, sculpcure, des oranges pourrissantes sur un Plateau
La grotte de Michel Blazy, coton et lentilles au Plateau
Palagret
art contemporain
photos Palagret en CC
juillet 2012
Sources:
Dossier de presse
« Ahae, fenêtre sur la nature, exposition photographique aux TuileriesVideo: Bâtiment de Leandro Erlich au 104, trompe-l'oeil, illusion et vertige »
-
Commentaires