-
Tracey Emin, Love is what you want, un impudique journal intime à la Hayward Gallery
Le sujet central de l'oeuvre de Tracey Emin est Tracey Emin elle même. Comme dans un journal intime livré à tous, Tracey Emin relate son viol à Margate, ses avortements, son alcoolisme, son impossibilité à trouver l'amour ou à avoir un enfant.
You bitch, Everythig you steel will turn to ash
Blanket, quilt, de Tracey Emin
Narcissique, Tracey Emin se contemple et s'expose elle-même dans des chroniques journalistiques 1, des quilts, des films, des dessins érotiques, des néons, des sculptures qui racontent ses frustrations et ses espoirs déçus. Une vie misérable auquel le succès artistique ne semble pas apporter de réconfort.
Sometimes nothing makes sense and everything seems so far away, no chance
Quilt de Tracey Emin
L'exposition "Love is what you want" à la Hayward Gallery de Londres présente une rétrospective sur vingt ans de l'oeuvre de Tracey Emin. A côté d'un pont de bois branlant (knowing my enemy 2002), la première salle accueille une dizaine de blankets, couvertures grossièrement brodées accrochées aux murs. De loin, les quilts colorés ont l'air joyeux, de près ils révèlent le monde douloureux de Tracey Emin montré comme une continuelle performance de violence et de trahison.
The end of something real, blanket de Tracey Emin
Les couvertures-bannières de Tracey Emin portent des phrases crues: Psycho slut, they were the ugly cunts, Harder and Better Than All of You Fucking Bastards, Heller fucking skelter, Fuck school why go somewhere every day to be told you’re late.
Des phrases désabusées: I Didn’t Know I had to Share Your Life, You Cruel Heartless Bitch, Rot in Hell.
Des phrases banalement sentimentales: I find your attitude a little bit negative, I want an international lover that loves me more than the world, we are going to get married in Las Vegas.
Psycho slut, Permission to fire. Bannières de Tracey Emin
Chaque bannière est un assemblage de tissus de textures contrastées, mates ou brillantes, et de motifs différents (fleurs, points, rayures) comme les quilts traditionnels faits de chutes et de vêtements usagés cousus ensemble, une pratique économique pour fabriquer des couvertures à partir des restes. Ces quilts, réceptacles de la mémoire domestique, racontaient aussi l'histoire des familles.
Les couvertures appliquées sont aussi une réminiscence des bannières portées dans les processions religieuses ou politiques avec leurs slogans et leurs images.
suspect, détail, bannière de Tracey Emin
Tracey Emin applique des lettres, des dates, des documents, des messages obscurs et de petits dessins cousus sur le support. Le mélange des formes, couleurs et mots forment un patchwork, un collage très lisible relatant un évènement précis où Tracy Emin crie sa colère, son dégoût, sa déception. Emin se protège en objectivant son histoire, comme en contenant son malheur dans les pages d'un journal intime. Un journal halluciné pas si loin de l'art brut, sauf que Tracey Emin est loin d'être naïve.
Total paranoïa, I find your attitude a little bit negative
I am disgusted by your envey, bannière de Tracey Emin
On repère sur les couvertures des fautes d'orthographe, intentionnelles ou pas. Les erreurs révèleraient la spontanéité de l'artiste mais fabriquer de telles couvertures prend du temps, assez pour corriger les erreurs si on le veut. Les confusions de lettres sont peut-être une transgression de plus ou une coquetterie, une attitude rarement attribuée à la plasticienne anglaise.
Sur les couvertures, seuls les textes sont provocants. Les dessins, tableaux et vidéos exposés dans d'autres salles sont plus crus.
Couvertures brodées et cabane (knowing my enemy 2002) de Tracey Emin à la Hayward Gallery
Comme Frida Kahlo, Louise Bourgeois ou Yahoi Kusama, Tracey Emin ressasse les traumatismes de sa vie, la perte de son innocence, et en fait sa légende. A partir de techniques plutôt féminines, le quilt, les aiguilles, la broderie, Tracey Emin réalise une oeuvre dérangeante et brutale, transgressant les clichés de "l'art féminin".
Lettre H cousue
Quilt de Tracey Emin
Les critiques sont divisés sur la valeur de son art, certains trouvent complaisante, vulgaire et sans intérêt cette accumulation d'anecdotes dignes d'un soap-opera. D'autres voient en Tracey Emin une des artistes les plus importantes de sa génération.
I do not expect to be a mother but I do expect to die alone
I want an international lover that loves me more than the world
Quilt de Tracey Emin
Entre voyeurisme, fascination et répulsion, le public observe l'oeuvre auto-biographique de Tracey Emin, une œuvre totalement tirée du réel mais aussi fictionnelle, mise en forme.
We are going to get maried in Las Vegas, we will drive across America
and have our honeymoon in the carribean
petits messages optimistes cousus sur une blanket de Tracey Emin
Tracey Emin est née en 1963 à Croydon en Angleterre. Elle fait partie des British Young Artists repérés par Charles Saatchi. Elle s'est fait connaître du grand public par différents scandales: My bed (1998), la tente de Everyone I have ever slept with (1963-1995) etc ...
It doesn't have to be like that, love to the end
Blanket de Tracey Emin, Love is what you want
Ironiquement, "Love is what you want", l'amour est ce que vous voulez, est un titre fleur bleue, bien consensuel, pour une exposition aux images sexuelles provocantes.
Love is what you want. Tracey Emin
Blankets, neons, films, memorabilia, drawings, paintings, sculptures, writings
Hayward Gallery, Londres
Du 18 mai au 29 août 2011
My life in column, chronique de Tracey Emin dans The independant
Liens sur ce blog:
Saint-Valentin: Tracey Emin illumine Times Square de néons romantiques
Yayoi Kusama et l'obsession des petits pois (dots) à La Villette
L'araignée géante de Louise Bourgeois aux Tuileries
Journée des femmes: Agnès Thurnauer réécrit l'histoire de l'art au féminin
Palagret
art contemporain
novembre 2011
Sources:
Dossier de presse
1- Rubrique " My life in a column " dans le quotidien The Independent.
Tracey Emin à la galerie Saatchi
Mots clés: Tracey Emin, blanket, quilt, bannière, couverture, Hayward Gallery
« Boutique abandonnée au mur peint: cuirs et crépins, clouterieGoogle doodle animé: des robots pour Stanislas Lem »
-
Commentaires