• Maman, l'araignée de Louise Bourgeois, un monstre dans les jardins des Tuileries

     

     
     
    UNE ARAIGNÉE MUTANTE DANS LES JARDINS
    DE LE NÔTRE


        Avril 2008: « Maman » l'araignée géante, œuvre emblématique de Louise Bourgeois, est actuellement dans le jardin des Tuileries entourée de sculptures françaises classiques, non loin des femmes aux formes rebondies d'Aristide Maillol.
    Sculpture contemporaine, l'arachnide monumental se confronte aux bâtiments  historiques du Louvre.
     




    Maman (1999), araignée géante de Louise Bourgeois
    aux Tuileries

    Collection particulière Cheim & Read, New-York


        Les araignées sont souvent un objet de répulsion. Mygales velues ou minuscules bêtes rouges, elles suscitent sinon la panique du moins le malaise. Les prédatrices géantes qui hantent
    les bandes-dessinées et le cinéma fascinent et affolent les pauvres humains qui ne peuvent que fuir pour mieux s'engluer dans leur toile mortelle. De nombreux films exploitent l'effroi des braves gens devant ces monstres à huit pattes. Seuls les vrais héros peuvent les vaincrent comme en témoignent "Le voleur de Bagdad" de Michael Powell (1940), "Tarentula" de Jack Arnold (1956), et même "Harry Potter et la chambre des secrets" de Cris Colombus" (2002). (1) 



    Maman (1999), araignée géante de Louise Bourgeois aux Tuileries.
    Haute de neuf mètres.



     
    Pour Louise Bourgeois l'araignée est une figure maternelle, à la fois castratrice et protectrice, une figure ambivalente. Comme sa mère qui retissait des tapisseries anciennes dans son atelier de restauration.

      
        « L'araignée, pourquoi l'araignée? parce que ma meilleure amie était ma mère, et qu'elle était aussi intelligente, patiente, propre et utile, raisonnable et indispensable qu'une araignée. Elle pouvait se défendre elle-même. »

         Voici ce que l'artiste inscrit sur la plaque devant sa sculpture haute de neuf mètres, ignorant malicieusement l'aspect menaçant de son oeuvre. L'arachnide fabuleux est une bonne introduction au travail complexe et aux fantasmes morbides de cette vieille dame de 96 ans.

         Depuis les premiers dessins de 1940, Louise Bourgeois a crée plusieurs araignées de différentes tailles. Une figurine, exposée à Beaubourg, représente une femme rouge transpercée de huit pattes. Est-elle l'araignée dévorante ou la proie dévorée?



    Figurine rouge à huit pattes d'araignée. Louise Bourgeois.




         Une image de cauchemar, comme beaucoup d'œuvres de Louise Bourgeois qui se nourrissent des traumatismes de l'enfance.



    "Tout mon travail, tous les sujets, trouvent leur source dans mon enfance"


        Livrée aux Tuileries en pièces détachées et montée à l'aide de grues, Maman l'araignée de bronze et d'acier inoxydable surplombe les parterres de Le Nôtre et les sculptures classiques inspirées de l'antique qui ornent les jardins. L'araignée géante, ses fines pattes anguleuses ancrées dans le gazon, domine les passants qui ne s'émeuvent pas trop de ce monstre figé.

        La sculpture est posée sur une pelouse interdite aux promeneurs et on ne peut que furtivement examiner, en contre-plongée, une résille de métal contenant des blocs de marbre, les œufs. Bientôt un gardien siffle le contrevenant et lui ordonne de retourner sur l'allée sablée.
     




    Maman (1999), araignée géante de Louise Bourgeois
    aux Tuileries. Détail du sac d'oeufs.


        La nuit, aux Tuileries, la silhouette émaciée de « Maman » se découpe sur le ciel encore clair; les feuilles frémissent dans le vent et la rumeur venue de la ville crée une atmosphère propice aux terreurs ancestrales. Un promeneur, ignorant la présence de l'araignée pourrait sursauter en l'apercevant à travers les arbres! Quant aux sculptures du dix-huitième et du dix-neuvième siècle qui entourent le monstre, elles participent à une mise en scène de la douleur et de l'effroi.



    Maman (1999), araignée géante de Louise Bourgeois aux Tuileries
    La misère (1907), statue de Jean-Baptiste Hughes



        La Misère, dans un geste emphatique, se détourne de ce monstre effroyable, ses enfants agrippés à ses jambes. Hercule, appuyé sur sa massue se demande s'il doit le terrasser, accomplissant un treizième exploit. Thésée combattant le Minotaure détourne la tête et les nymphes apeurées s'enfuient loin de cet hôte prodigieux.
     



    Nymphe fuyant l'araignée monstrueuse ?
     
     

          Tous, héros mythologiques et héros romains, allégories et sylphides, figés dans leur gesticulation stéréotypée, miment la peur, le désespoir, le courage farouche.  "Maman" n'exprime rien, elle n'esquisse aucun mouvement, elle est là, c'est tout. C'est une mère portant ses œufs et les mères peuvent être terrifiantes. Impassible et pourtant dangereuse, elle éveille en nous des fantasmes, des angoisses imprécises dont se joue Louise Bourgeois.


        Une deuxième araignée géante (crouching spider) est installée dans le hall de Beaubourg. On peut la voir de près mais la complication visuelle de l'arrière plan rend difficile sa perception. Au troisième étage, une autre araignée enserre une cache grillagée entre ses pattes. A l'intérieur, des objets de la vie familiale. La famille est une prison, un enfer créé par un père détesté. 



    araignée géante de Louise Bourgeois à Beaubourg

       
        R
    econnue tardivement, Louise Bourgeois fait aujourd'hui partie des plasticiens contemporains baroques les plus en vue comme Jeff Koons et Damien Hirst qui eux aussi travaillent avec les animaux et la monumentalité.  Maman, ou big Mama, l'araignée gigantesque est une rock star en tournée mondiale. Son  imprésario est excellent ou elle est douée d'ubiquité pour se retrouver ainsi aux quatre coins du globe. Plus concrètement, il y a plusieurs exemplaires de la sculpture  en circulation.  
     


    Maman (1999), araignée géante de Louise Bourgeois aux Tuileries
     
     
     
         L'araignée s'est posée, entre autres, à Saint-Petersbourg en Russie, à Tokyo, Copenhague, Denver, Kansas City, San Francisco, New-York et Londres. L'araignée géante a veillé sur le tombeau de James Ensor à Mariakerke, ce qui convient bien à son aspect morbide. Elle est toujours à Ottawa comme en témoigne la caméra web du musée des Beaux-arts du Canada. Sur le parvis du Guggenheim de Bilbao, elle a disputé la vedette à l'innocent Puppy de Jeff Koons. Quoi de plus opposés qu'une répugnante araignée filiforme et un gentil chiot recouvert de fleurs fraîches! L'une appartient aux sous-bois, aux recoins obscurs, aux rêves maléfiques, l'autre est solaire et parle d'enfance, de spontanéité et de bonheur. Pourtant ces représentations d'animaux plus grands que nature sont toutes deux des célébrités paradoxales. D'un coté, les musées se les disputent, les amateurs d'art et les financiers surenchérissent chez Christie's ou Sotheby pour les acquérir; ces oeuvres contemporaines atteignent désormais les prix des tableaux impressionnistes. D'un autre coté, l'intérêt que leur porte le public les réduit à des attractions ludiques.


       
    Maman à Tokyo, Japon. Photo Eugenio D80


          
    Maman à Bilbao, Espagne. Photo: aronski

           


    Maman à Londres, Royaume-Uni. Photo: Ayres no graces



        Après Paris, les araignées et l'exposition du Centre Pompidou se produiront au Solomon R. Guggenheim Museum à l'été 2008, au Los Angeles Museum of Contemporary Art en automne 2008 et au Hirshhorn Museum & Sculpture Garden, Washington D.C. au printemps 2009.

        Depuis 1998, le jardin des Tuileries accueille sur ses pelouses des sculptures contemporaines de Jean Dubuffet, David Smith, Carl André, Roy Lichtenstein, Guiseppe Penone etc. Clara-Clara, une sculpture abstraite de Richard Serra est posée dans le fer à cheval, côté Concorde. L'araignée bourgeoise, elle, ne sera parisienne qu'une saison.


    Louise Bourgeois. Une rétrospective.
    Exposition au Centre Pompidou.
    Jusqu'au 2 juin 2008.
    Tous les jours sauf mardi et le 1er mai.
    De 11h à 21h.


    Maman, araignée géante aux Tuileries. Heures d'ouverture des jardins.

     
     
     
    Source1- Les araignées au cinéma





    Catherine-Alice Palagret
    art contemporain monumentale
    avril 2008

     
     
      
     
     
     
     
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