• Arcimboldo: les Quatre Saisons, portraits illusionnistes composés de fleurs et de fruits

     
       Les portraits composés de Giuseppe Arcimboldo exaltent la puissance de l'empereur Maximilien II qui règne sur les hommes mais aussi sur les saisons et les éléments. Giuseppe Arcimboldo  crée  un lien symbolique entre le pouvoir temporel de l'empereur et l'immuabilité des saisons qui reviennent année après année. Arcimboldo, peintre officiel de la cour des Habsbourg au XVIè siècle, suggère ainsi que le règne du Saint-Empire défiera lui aussi le temps.
     
     

     

     
    L'Eté d'Arcimboldo, 1573, détail, musée du Louvre
     
     

     

       Les quatre saisons d'Arcimboldo sont des allégories qui amusaient et intriguaient les courtisans de l'empereur Maximilien II à Vienne. Seul un petit public cultivé pouvait en épuiser le sens. Aujourd'hui beaucoup de subtilités métaphoriques sont perdues pour nous, il reste des énigmes à déchiffrer. Les allégories peuvent nous sembler irrespectueuses ou ironiques mais, au-delà du divertissement, les portraits composés des saisons étaient des messages politiques à la gloire du souverain.
     
     
     
     
     
    Série des quatre saisons d'Arcimboldo
    L'Hiver, l'Automne, L'Eté et le Printemps, Louvre Paris
     



     
    Le portrait de l'Hiver regarde le Printemps et l'Eté l'Automne. Chez les Romains, l'hiver (caput anni) était la première saison. Caput veut dire chef et Maximilien II est le chef. L'Hiver se compose d'un tronc noueux qui forme le profil d'un vieillard au visage creusé de rides. De petites racines dessinent une barbe clairsemée, la bouche est un champignon, l'œil une crevasse. Des racines forment la chevelure sur laquelle pousse du lierre, symbole de fidélité. Les tons sombres dominent. Seuls un citron et une orange, rappel nostalgique de l'Italie où naquit Arcimboldo, apportent une touche de couleur au portrait hivernal.
     
     



    L'Hiver d'Arcimboldo,1573
    Huile sur toile, 76 x 63,6 cm, au Louvre, Paris
     
     


      Le Printemps radieux contemple le visage décati de l'Hiver. C'est une jeune fille, plutôt qu'un jeune homme. C'est la saison du renouveau et les fleurs éclosent, chassant la grisaille de l'hiver. Le visage aux joues roses est composé de lys, de pivoines, de roses, d'églantines, d'anémones. La collerette est faite de fleurs blanches et le vêtement de feuillage. Un lys épanoui décore la chevelure, allusion à la prétention des Habsbourg de descendre d'Hercule. En effet, la légende dit que le lys naquit du lait que donnait Junon à Hercule.
     

     

      
     
    Le Printemps d'Arcimboldo,1573
    Huile sur toile, 76 x 64 cm, au Louvre, Paris



     
        Un chou, légume commun en Autriche, forme l'épaule du Printemps. Un iris, fleur exotique, décore le corsage. Le Printemps est la seule figure féminine de l'ensemble. Elle est le symbole de la procréation, du renouvellement de la nature mais aussi de la dynastie impériale des Habsbourg.
     
     
     
     
    Le Printemps d'Arcimboldo, détail
     
     
     

     

        Le portrait de l'Eté est composé de fruits et de légumes. Une courgette forme le nez, l'œil est une cerise surmontée d'un sourcil en épi de blé. La bouche est une cosse de petits pois entrouverte. Le rouge de la lèvre est constitué de deux cerises. Un pêche forme la joue. L'épi de maïs qui forme l'oreille est une nouvelle céréale venue d'Amérique. Une main invisible tient un artichaut, comme un emblème. Près du tableau, on ne voit que les végétaux, de loin le portrait est évident: un homme au sourire moqueur.
     
     -

     

    L'Eté d'Arcimboldo,1573
    Huile sur toile, 76 x 64 cm, au Louvre, Paris
     
     
     
        L'Eté est la saison des moissons, la couleur dorée domine, et le vêtement est fait de blé tissé. La profusion des récoltes souligne l'âge d'or que connaît l'empire, un âge de prospérité et de paix. L'Eté est le seul portrait signé et daté. On y lit Guiseppe Arcimboldo sur le col et 1573 sur l'épaule.
     

     

     

    L'Eté d'Arcimboldo, détail
    Inscription: Giuseppe Arcimboldo, 1573
     
     
     
        L'allégorie de l'automne regarde la splendeur de l'Eté.  C'est le temps des vendanges et sa chevelure est faite de grappes de raisins, de feuilles de vigne et d'une citrouille. Son œil est une prunelle (!) surmontée d'un épi de blé, son nez une poire, sa bouche une châtaigne éclose, l'oreille est un champignon orné d'une figue trop mûre. Le vêtement est un barrique disjointe tenue par un lien, comme Maximilien tient ensemble son empire aux peuples divers. Les deux olives vertes sont un symbole de paix.

     

        L'Automne est un homme mûr peint sous les traits de Bacchus, dieu du vin. Comme tous les buveurs il a le vin joyeux et parfois le vin mauvais. Il pousse l'homme à donner le meilleur de lui-même ou le pire. Suivi d'une cohorte de ménades et de satyres, il parcourt la campagne et aide l'homme à oublier ses misères, comme l'empereur qui parcourt ses terres, dirigeant et soutenant son peuple, accompagné de sa cour. Avec l'Automne, le cycle des saisons est terminé et il recommence avec l'Hiver.

     

      
     
     
    L'automne d'Arcimboldo,1573
    Huile sur toile, 76 x 64 cm, au Louvre, Paris
     

     

       

         Les quatre portraits sont représenté de profil; ils ont la bouche entrouverte comme s'ils conversaient entre eux. Ils se détachent sur un fond noir qui rehausse l'éclat des fleurs et des fruits. Les bordures de fleurs ont été ajoutées tardivement au XVIIè siècle.
     
        Au Louvre, pressés d'arriver à la fameuse Joconde, les visiteurs passent devant les quatre saisons d'Arcimboldo sans s'attarder. Pourtant à l'automne dernier la queue était longue au Palais du Luxembourg pour voir l'exposition dédiée au peintre. En dehors du battage médiatique, Arcimboldo se fait discret.
     
        Les quatre toiles d'Arcimboldo présentées au Louvre sont des variantes des portraits de 1563, conservée au Kunsthistorisches Museum à Vienne. Les différences sont minimes. La première série avait été commandé par l'empereur pour son cabinet de curiosités. La deuxième est un cadeau de l'empereur à l'électeur luthérien Auguste de Saxe afin de sceller une alliance. Pour lutter contre les Turcs, Maximilien le catholique avait besoin de maintenir la paix religieuse entre les protestants et les catholiques de son empire.
     

         Cette série des Quatre saisons a des correspondances avec la série des quatre éléments. « L'été est chaud et sec comme le Feu. L'Hiver est froid et humide comme l'Eau. L'Air et le Printemps sont tous deux chauds et humides et l'Automne et la Terre sont tous deux froids et sec.» écrit le milanais Giovanni Battista Fonteo dans un poème qui accompagnait les tableaux offerts à Maximilien.

      
        Maniéristes, symboliques, énigmatiques et virtuoses ces portraits composés n'ont pas livré tous leurs secrets. Arcimboldo (1526 – 1593) connut la gloire à la cour des Habsbourg. Le peintre italien fut invité à Vienne en 1562 à la cour de Ferdinand 1er par son fils Maximilien. Il y composa les fameuses têtes composées tout en organisant les divertissements de la cour. En 1578 il suivit Rodolphe II à Prague et s'occupa du cabinet de curiosités du jeune roi. En 1587, il retourna à Milan d'où il enverra au roi deux derniers portraits: Rodolphe en Vertumne (le dieu romain des saisons) et Flore. A sa mort, il tomba dans l'oubli et fut redécouvert au XXè siècle par les Surréalistes.
     
     
        Giuseppe Arcimboldo n'a pas inventé le principe des portraits composés. Dès l'antiquité, les grilli sont composés de formes animales ou humaines pour créer une nouvelle image.

         Dans les années 1990, Robert Silvers compose des photomosaïques grâce à l'ordinateur. Au Medialab du MIT, il conçoit un logiciel permettant de manipuler les images pour composer des images à plusieurs lecture.
     
     
     
     
     
    Skull With Cigarette, 2007. Photo-montage de Chris Jordan
    détail des paquets de cigarettes
     
     
     

        Aujourd'hui le photographe Chris Jordan utilise le même procédé de perception et de lecture. Ses immenses photo-montages sont composés de milliers d'objets qu'on ne distingue qu'en s'approchant. Mais alors qu'Arcimboldo chantait les louanges de l'empereur humaniste, Chris Jordan dénonce une civilisation qui ne croit plus qu'en l'accumulation des biens.
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    Catherine-Alice Palagret
    manièrisme
    septembre 2008
     
     
     
     
    Source:
    Catalogue de l'exposition "Arcimboldo" au Musée du Luxembourg
    15 septembre 2007 - 13 janvier 2008
     
     
    « Liu Bolin se cache chez Guerlain au milieu des roses et des parfumsLes faux Arcimboldo du Cabinet de Curiosités d'Aristide Sauveterre »
    Pin It

    Tags Tags :
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :