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        Une construction fragile de 5000 cagettes de légumes et de fruits forment une caverne de bois. Cette architecture ludique et éphémère est l'œuvre du plasticien japonais Tadashi Kawamata. La construction s'intitule Gandamaison; en japonais gandam désigne les robots transformers.
     
     
     

     
    Gandamaison, installation de Tadashi Kawamata à Versailles
     


         Kawamata travaille toujours in situ: « Pratiquer in situ, c'est arriver sans idées préconçues et réfléchir en fonction du site. ... Mon travail est plus de l'ordre de l'arrangement. Je ne crois pas à une quelconque idée nouvelle, celle-ci est toujours en lien avec le passé. » 1
     
     
     
     
     
    Gandamaison, installation de Tadashi Kawamata à Versailles
    source
     
     
     
     
       Kawamata a travaillé avec huit étudiants-architectes pendant une dizaine de jour. Gandamaison comprend deux parties, une extérieure et une intérieure.

         La structure extérieure, aujourd'hui démontée, ressemblait de loin à un amoncellement de cageots laissées là par un marché monstrueux. D'un peu plus près, l'installation semblait couler du toit de la Maréchalerie ou y ramper comme un organisme vivant. Ce corps mutant phagocytait le bâtiment classique (1682) qui avait l'air en ruine, comme après un bombardement.  On pouvait aussi y discerner un géant affalé dont on ne voyait que les jambes. Avec cette construction, Kawamata apportait un peu de chaos aux écuries de Jules Hardouin-Mansart, intendant général des Bâtiments du Roi.
     
     
     
     
     
    Gandamaison, installation de Tadashi Kawamata à Versailles
    Partie intérieure
     
     
     
       La structure intérieure de Gandamaison est un dôme de bois à la surface irrégulière qu'on dirait instable. Elle n'a rien d'oppressant, donnant une impression de légèreté et de fantaisie. Les cagettes, achetées à un producteur local, sont liées entre elles par des liens de plastique noir. Un courant d'air, ou une bousculade, pourrait les faire s'entrechoquer. Le bois, imprégné d'un produit chimique retardateur de feu, dégage une odeur gênante qui empêche de rester trop longtemps sous la voûte.
     
     
     
     
     
    Gandamaison, installation de Tadashi Kawamata à Versailles
    Partie intérieure. Tunnel
     
     
     
     
        De chaque côté de la voûte centrale se trouvent deux petits tunnels de cagettes. L'ensemble modulable est accroché à un filet, retenu par des cordes et des poulies ancrés dans les murs de pierre qu'il dissimule. La lumière filtre à travers les cagettes, créant un clair-obscur mystérieux.
     
     
     
     

         
     
    Gandamaison, installation de Tadashi Kawamata à Versailles
    Partie intérieure. Filet.
     
     
     
     
       Versailles est un lieu de pouvoir et d'apparat. Le Roi-Soleil l'a crée, on y a signé des traités d'armistice, le Parlement et le Sénat s'y réunissent pour y modifier le Constitution. Tadashi Kawamata fait voler en éclats tout ce sérieux en y installant une construction poétique, tout à fait inutile. Le plafond de cagettes, objets pauvres liés au monde du travail, est un écho ironique aux plafonds d'or et de stuc du château de Versailles. Si l'architecture classique est stricte avec ses façades soigneusement alignées, les intérieurs versaillais démentent cette sévérité; les demeures royales et princières recèlent un vrai délire décoratif. Kawamata livre ici sa propre interprétation des plafonds à caissons.
     
        A cause du bruit médiatique fait autour de Jeff Koons à Versailles, on a peu entendu parler de Kawamata. C'est dommage. Au contraire des œuvres de Jeff Koons qui sont en tournée mondiale et se voient de capitales en capitales, les créations éphémères de Kawamata sont détruites aussitôt après l'exposition. Il n'en reste que des photos et des vidéos.
     
     
     
     
     
     
    Gandamaison, installation de Tadashi Kawamata à Versailles
    Partie intérieure.
     
     
     
     
     
         Tadashi Kawamata, avec ses architectures chaotiques et aériennes, questionne les lieux où il travaille. Il utilise toujours des éléments de base en bois mal dégrossi (poutres, planches, cagettes) ou des objets de récupération (chaises). Partout où il intervient, Kawamata travaille avec les habitants et les étudiants de la ville choisie. A Versailles, il a travaillé avec les élèves de l'École nationale supérieure d’architecture et les professeurs pour construire une autre gigantesque Gandamaison dans la cour d'honneur des Ecuries.

         A Chicago en 1990 avec ses faux abris de sans-abri et à Houston en 1991, avec ses fausses favélas narguant les riches gratte-ciel, ses interventions avaient une dimension politique et sociale.
     
     
     
     
     

    Cabane dans les arbres, au jardin des Tuileries
    Tadashi Kawamata 2008
     
     
     
     
     
        A Paris ou à New-York Kawamata accroche des cabanes dans les arbres, geste poétique qui renvoie à l'enfance. Ces habitats précaires renvoient aussi aux constructions de fortune des SDF qui prolifèrent dans les grandes métropoles, pauvres ou non.

     

        Ses accumulations gigantesques questionnent plus la ville, l'espace public, que la société. A Toronto en 1989, "Colonial Tavern Park" des échafaudages branlants coincés entre deux bâtiments classiques introduisait le chaos dans un univers urbain policé, forçant à voir les interstices de la ville.

        En 2007, dans une cave Pommery à Reims il construisit une cathédrale de mille chaises cassées. En 2002 à Evreux, des passerelles qui entourent un bâtiment. Sur la Loire, il érige un observatoire pour Estuaire 2007, au-dessus des marais. Cette œuvre est unes des rares qui ne soit pas détruite après l'exposition.
     
     
     
     
     

    Cagettes de maraîchers
    Gandamaison, installation de Tadashi Kawamata à Versailles
    Partie intérieure.
     
     
     


         Tadashi Kawamata est né en 1953, au Japon, sur l’île de Hokkaïdo. Il vit et travaille à Tokyo et à Paris. Artiste internationalement reconnu,  il expose partout dans le monde.
     
     
     
     
     
    Kawamata, Gandamaison
    La Maréchalerie - centre d’art contemporain
    École nationale supérieure d’architecture de Versailles
    5 avenue de Sceaux, 78000 Versailles  01.39.07.40.94
    Exposition du 19 septembre au 13 décembre 2008
    Construction extérieure du 18 septembre au 6 octobre 2008

     

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    art contemporain
    novembre 2008
     
     
     
     
    1- in Kawamata, CCC Tours, les Editions de l'atelier Calder, 1994, cité dans le dossier de presse.
     
     
     

     

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    DES DECOUVERTES
    ARCHEOLOGIQUES CONTROVERSEES

         Le Professeur Pierre-Epaminondas Boncam a rarement exposé les découvertes archéologiques de ses nombreuses campagnes de fouille. Sa dernière manifestation publique remonte à juin 2005 où il a présenté ses pièces les plus précieuses collectées sur  Callisto, Ixion et Pallas 21. A cette occasion, il nous avait accordé un entretien, sur les lieux même de l'exposition, à Bédarieux, une petite ville du sud de la France.

     


    arch__ologie__vitrine__2_-1-1.jpg

    Partie centrale d'un triptyque découvert dans les ruines d'une cité androïde,
    Xyanthazak, sur Pallas 21
    Peut-être rapportée par des marchands du nuage de Oort ou d'un Ocek transnuptien.
    Figurines liées au culte de la ludicité. La présence de miroirs pourrait renvoyer au culte de Narcisse.
    Découverte par le Professeur Pierre-Epaminondas Boncam en février 2000. Datée du XXXII siècle. Média: or, plastique et matériaux inconnus.
    Numéro 327 de l'inventaire RMIS
    Exposé à la galerie "Anonymes de passage" à Bédarieux, France.

     

     

     

    Catherine-Alice Palagret: Pourquoi exposer à Bédarieux?

    Pierre-Epaminondas Boncam: Je possède une petite maison dans les Cévennes où j'ai entassé mes collections. C'est là que je travaille le mieux quand je reviens de mes expéditions. Depuis plus de quarante ans je rédige mon grand dictionnaire d’archéologie. C’est un travail paisible, très différent des recherches sur le terrain. Les fouilles sur des mondes si lointains sont épuisantes. Pallas 21 nous a mis à rude épreuve.
     
    CAP: Personne n'a jamais entendu parler de Pallas 21, surtout au XXXIIème siècle.

    PEB: Pallas 21 est une planète exo-tellurique, c'est à dire une planète hors du système solaire apte à accueillir la vie. Nous l'avons explorée à l'air libre, sans porter de combinaison de cosmonautes. La gravité et l'air était proches de celles de la terre.
     
     

    La galerie "Anonymes de passage" à Bédarieux, France.
     
     
     
    CAP: Les journaux n'ont jamais mentionné une aventure aussi exceptionnelle!

    PEB: Nous avons voulu rester discrets. Cependant les planètes exo-telluriques existent bel et bien. Je suis allé sur Pallas 21 et j'en suis revenu. Aujourd'hui, les astrophysiciens auscultent l'espace à la recherche de ces planètes. Ils devraient m'écouter.

    CAP: Si vous dites vrai, vos découvertes archéologiques  seraient dignes du MET ou du quai Branly.

     

    Aiguière rituelle découverte sur Callisto dans les ruines d'une cité méta-androïde.
    Utilisée dans un culte non documenté. Média: argent bois et plastique.
    Datée du XXIXè siècle. Encadrée à une époque tardive.
    Découverte par le Professeur Pierre-Epaminondas Boncam en 1952.
    Donation du 25 juin 2005. Numéro 123 de l'inventaire RMIS

     

     

     

    PEB: Absolument. L’aiguière que vous voyez ici est magnifique, comme d'autres pièces que je préfère garder secrètes pour l’instant  afin de les étudier. N’oublions pas que ces artéfacts sont avant tout des objets rituels ou usuels et non des œuvres d’art. A ce stade de mes recherches, il m’est impossible de préciser leur réelle fonction.

     

     

    Fragment de moulin à prières avec trois démons jouant du tambour.
    Probablement utilisé dans un culte d'origine mongole.
    Découvert par le Professeur Pierre- Epaminondas Boncam en novembre 1968 sur Ixion.
    Media: inconnu
    Daté du XXXIIè siècle environ. N° 275 de l'inventaire RMIS

     

     

    CAP: On est loin des terres cuites et des bijoux que l’on trouve d’habitude dans les tombes.

    PEB: Les matériaux sont différents mais il s'agit d'une civilisation technologiquement très avancée. Ce fragment de moulin à prières, ou ce que j'ai identifié ainsi, a été découvert sur Ixion dans la ceinture de Kuiper. Nous avons fouillé à plusieurs mètres de profondeur sous un tumulus, aux alentours d’une cité en ruine et découvert des tombes somptueuses. Ces démons jouant du tambour sont peut-être des jouets. Nous ne connaissons rien des sociétés qui ont produit ces objets sinon qu’elles étaient très évoluées. Beaucoup de matériaux utilisés nous sont inconnus. Nous sommes peut-être leur préhistoire.

    CAP: Le triptyque de Pallas 21 date du XXXIIè siècle ainsi que les trois démons jouant du tambour trouvés sur Ixion. L' aiguière rituelle trouvée sur Callisto est datée du XXIX siècle. La datation de ces pièces archéologiques pose problème non ?

    PEB: Seulement aux esprits étroits. 

    CAP: Pourquoi exposer à "Anonymes de passage", une galerie si modeste ? Vous pourriez prétendre aux plus grands musées.

    PEB: Je me méfie de l’establishment, des grands musées, des archéologues en vogue et ils se méfient de moi. Mes recherches sont très controversées.

    CAP: Vous évitez la polémique en vous réfugiant dans une petite ville à l'écart des grandes manifestations culturelles ?

    PEB: Je suis fatigué de toutes ces querelles. Mais je ne fuis pas. Il se passe beaucoup de choses ici. Avec des amis, nous avons investi un ancien atelier d’encadrement fermé depuis longtemps. Comme dans toutes les villes, il y a aujourd’hui à Bédarieux de nombreux lieux en déshérence, des petites boutiques vacantes. Leur vitrine est abandonnée, jonchée de courriers et de journaux jaunis que personne ne viendra plus jamais lire. Dans un de ces lieux négligé, nous avons créé la galerie "Anonymes de passage » Une action provisoire, éphémère.

    CAP: Nous sommes loin de l’archéologie !

    PEB: Quoi de plus intéressant que d’associer l’éphémère à ces magnifiques pièces archéologiques qui témoignent, elles, de la longue durée. J’ai parcouru le passé, l’avenir et aujourd’hui, au seuil de ma vie, je m’arrête et je regarde autour de moi. Je ne fuis plus le présent. Je veux être le témoin d’un passage d’une époque à une autre, sentir les frémissements qui travaillent notre société, voir les choses éclore. Cette idée de lieu éphémère n’est pas nouvelle, il y a eu des expériences dans les plus grandes villes du monde. Ici, nous le faisons à une échelle minuscule.

    CAP: Quels sont vos projets?

    PEB: Pour l'instant, je me promène beaucoup en ville, je rôde, j'épie. Non pas les gens mais les choses car les choses parlent des gens. Je repère les traces de vieillissement sur les murs, les blessures du temps, les signes d'abandon, les lieux en déshérence.

    CAP: Mais les changements à venir dont vous parliez concernent la société, les humains! Vous décelez le monde à venir dans les taches de rouille?

     

     

    Pr-Boncam-sep-07-cr--pi.jpg 
    L'archéologue examine des traces sur un mur
     
     
     
    PEB: Ah, l'idée n'est pas mauvaise! Non sérieusement, je ne suis pas un voyant, un diseur de bonne aventure. La rouille me renseigne sur l'attention que les gens portent à leur ville. Je suis avant tout un archéologue, et quand je suis sur terre, un archéologue du quotidien. Cette exploration urbaine m'aide à mieux comprendre certaines évolutions. Je déchiffre tous ces signes et j'y trouve des correspondances ...

    CAP: Vous avez renoncé à l'exploration spatiale?

    PEB: Certainement pas. Je travaille obstinément à ma prochaine campagne de fouilles. La dernière expédition sur Pallas 21 a laissé trop de questions en suspens, la présence des fourmis géantes par exemple. Un scientifique comme moi a besoin de réponse. Il me faut réunir les fonds nécessaires; nous parlons d'une somme colossale, et quelques amis fortunés et discrets, m'y aident. Nous sommes en discussion avec des géologues, des astronomes, des savants de toutes disciplines afin de constituer une équipe parfaite. Un prix Nobel américain se passionne pour cette campagne.

    CAP: Qui?

    PEB: Vous comprendrez qu'à ce stade je ne peux rien dire.

    CAP: ...

     

     

     

    Suite des aventures du Pr Boncam sur ce blog:

    La biographie du Professeur Pierre-Epaminondas Boncam

    2- Les fourmis géantes de Pallas 21

    3- les Terres calcinées de Pallas
    4- Envol vers Pallas 21, planète exo-tellurique
    5- Disparition d'un archéologue du Futur
    6- Enquête sur la disparition du Professeur Boncam; le témoignage du collectionneur Aristide Sauveterre
    7- Enquête sur la disparition du Professeur Boncam; le témoignage du documentariste Bénédict Ravenol
    8- Sans nouvelles du Professeur Pierre-Epaminondas Boncam
    9- Un détective privé sur les traces de l'archéologue disparu

    10- Meurtrier?, le mystérieux messages du Salagou

    * La disparition du Pr Boncam fait les gros titres de l'Evening Standard de Londres

     

     

     
    Photo et textes:
    Catherine-Alice Palagret
    archéologie du futur
    août 2006



     

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    Une tentative de collection universelle ...

     

        "curiosus, cupidus, studiosus" ainsi le dictionnaire de Trévoux, publié en 1771, définit-il la curiosité: ce qui se traduit par "l'attention, le désir, la passion du savoir". C'est la devise de tous les collectionneurs de curiosités et plus particulièrement celle d'Aristide Sauveterre.
     

     

    Les ancêtres, statue de carnaval en papier mâché peint,
    dignitaires chinois sur rouleau, statue de femme noire

     

        Son cabinet de curiosités se cache dans un vieux mas du Languedoc, non loin du château de ses ancêtres. Bien peu de personnes sont autorisées à visiter cette chambre des merveilles. Selon la tradition, la collection se compose de naturaliae (animaux empaillés, madrépores, météorites, monstres et merveilles de la nature ), d'artificialiae (clepsydres, fioles lacrymales, astrolabes, automates) et d'exoticae (papyrus, tambour indien ou pipe inuit, statuettes barbares). C'est tout un bric-à-brac d'objets rares ou insolites, grotesques ou scientifiques, où une précieuse verrerie romaine peut côtoyer un gobelet Mac Donald's à l'effigie d'Homer Simpson et où un ticket de métro de 1975 a autant de valeur qu'une enluminure médiévale. Aristide nous a autorisé à photographier quelques pièces mineures de sa collection.
     
     
     
    serpent-_large_.jpg Naturalia - Serpent conservé dans le formol
               
     
        Le cabinet de curiosités est un miroir du monde, un microcosme. Il tente de représenter la merveille et la diversité de la Création. Les cabinets ont toujours contenus des pièces fantaisistes: la fabuleuse corne de licorne du Trésor de Saint-Denis, aujourd'hui au Musée national du Moyen âge, des dents de dragon enchâssés d'or, des lutins embaumés, des os de Titans ou des griffes de yéti.

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    Curiosit--s--madr--pore--1-.jpgNaturalia  -  Madrépore

     
     
         Dès la Renaissance, la fascination pour le monstrueux et les chimères, jointe au goût de la mystification, peuple les cabinets de curiosités d'improbables naturaliae. La supercherie est présente au cœur des plus somptueuses collections. Bien qu'ancêtres des musées, les cabinets de curiosités n'en ont pas la rigueur scientifique: les attributions sont souvent erronées, la provenance et la datation farfelues.
     
     
     
    chouette-_large_.jpgNaturalia - animaux empaillés

     
     
        Dans son désir de totalité, dans sa frénésie à faire tenir le monde dans une pièce, le collectionneur de curiosités accumule les objets les plus étranges et les plus dérisoires sans jamais assouvir sa passion. C'est une entreprise qui ne peut être que vouée à l'échec. Des collectionneurs se sont ruinés à trop acquérir.
     
     
     
    Curiosit--s-Mosson--011.jpgLivre: cabinet des insectes de Joseph Bonnier de la Mosson

     
     
        Au 18è siècle, Joseph Bonnier de la Mosson, un ancêtre d'Aristide Sauveterre, est de ceux-là. Son hôtel de Lude, rue Saint-Dominique à Paris, abritait un célèbre cabinet de curiosités rassemblant multitude de naturalia, exotica et artificialia. La curiosité la plus appréciée de la société parisienne était un théâtre d'automates qui jouaient la Création du monde. Ce théâtre a disparu et on en sait peu de chose.
     
     
     
     
    Curiosit--s--portrait--1-.jpg Portrait d'un noble sur un vase fait de morceaux de porcelaine

     

     

    - Aristide Sauveterre: Je suis le descendant de Philibert Sauveterre, un cousin éloigné de Joseph Bonnier de la Mosson. Le baron Bonnier de la Mosson dilapida la fortune héritée de son père tant à Paris pour son cabinet de curiosités qu'à Montpellier pour son château de la Mosson qu'il meubla avec munificence. Lorsqu'il mourut ruiné en 1744, ses biens furent dispersés. Philibert Sauveterre était son assistant, son disciple. Il avait voyagé avec lui partout en Europe, en Italie sur les traces d'Ulysse Aldovandri, en Angleterre chez les héritiers de John Tradescant, en Autriche et en Bohême à la recherche des trésors dispersés de Rodolphe II, créateur d'un cabinet de curiosités unique en Europe. Joseph et Philibert revenaient à l'hôtel de Lude suivis de charrettes débordantes de trouvailles. Pour immortaliser sa collection, la curiosité et la vanité allant souvent de pair, Bonnier de la Mosson commanda un recueil de dessins de ses trésors à Jean-Baptiste Courtonne. A la mort de son cousin et mentor, Philibert, le coeur brisé, établit avec Gersaint le catalogue raisonné de la collection qui allait être vendue aux enchères.

     



    Catalogue-Mosson--Gersant.jpg
         Catalogue raisonné d'une collection considérable ...

     

     

        Grâce au catalogue de Gersaint et aux dessins de Courtonne, nous avons une connaissance précise des merveilles rassemblées par Joseph Bonnier de la Mosson.

        Le 26 avril 1745, une vente aux enchères dispersa les biens du collectionneur. Le comte Buffon acheta les plus belles naturaliae pour le cabinet du roi Louis XVI. Philibert Sauveterre dut s’incliner devant l'envoyé royal. Il ne put acquérir que des pièces jugées mineures à l'époque.

        “Le bouclier chinois, l'écuelle de bois sculptée très curieusement et fort ancienne, le crocodile d'environ cinq pieds, le crabe fort singulier portant une longue et forte aiguille au bout du museau“ etc, lui échappèrent mais au fil du temps, Philibert constitua une collection tout aussi hétéroclite. Il ne possédait pas une grande fortune et acheta avec modération. Transmis de génération en génération, enrichi, ce cabinet de curiosités est désormais le mien car je suis le descendant direct de Philibert Sauveterre.

     


      

     Curiosit--s-Simpson--1-.jpg 

    Figurines des Simpsons et jeux anciens

     

     

        Quand Joseph Bonnier de la Mosson meurt, l'âge d'or des cabinets de curiosités  se termine. Dès le dix-septième siècle, René Descartes a établi des règles précises pour chercher la vérité dans les sciences. Il s'en prend aux amateurs de curiosités qui recherchent l'objet rare au détriment de la rigueur scientifique:


         "Il est bien meilleur de ne jamais penser à chercher la vérité d'aucune chose, que de le faire sans méthode: car il est très certain, que de telles études menées sans ordre, troublent la lumière naturelle et aveugle les esprits; et tous ceux qui se sont accoutumés à marcher ainsi dans les ténèbres, affaiblissent tant l'acuité de leurs yeux, qu'il ne peuvent plus ensuite supporter la lumière." (1)

     

        Le Merveilleux et la Raison vont cohabiter encore quelques temps. C'est le début des cabinets d'histoire naturelle, bientôt la classification du vivant, l'évolution des espèces, l'émergence des musées.

     

     

    idole-1-a.-_10_.jpgStatuette de Nova-Esperanza au miroir,
    sorcière  et horloge aux brebis

     

     

        - Aristide Sauveterre: Pour ma part, j'assume entièrement le manque de rigueur scientifique de ma collection. Des œuvres authentifiées côtoient des faux évidents. Je m'en arrange car l'intérêt est dans la recherche et l'accumulation de pièces bizarres, rares, étonnantes. Dernièrement, ma section exotica, celle que je préfère, s'est enrichie des figurines rituelles rapportées par mes amis : Pierre-Epaminondas Boncam, le célèbre archéologue, Camille Octonel et Alix de la Liquière Engueyrade, toutes deux ethnologues. Je possède aussi quelques cartes au trésor mais elles ne sont pas ici. Je les ai mises en lieu sûr, elles attisent trop les convoitises.

        Mes acquisitions ne dépareraient pas le cabinet de curiosités de Joseph Bonnier de la Mosson, reconstitué en 1994 au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Je vais souvent m’y promener pour admirer les cinq armoires de naturaliae contenant les achats de Buffon.

     

     

    curiosit--s-Mosson-1.jpg Le cabinet de curiosités de Bonnier de la Mosson
    dessin de Jean-Baptiste Courtonne

     

    Cabinet-Mosson-6.jpgle cabinet de curiosités de Bonnier de la Mosson,
    reconstitué
    au Muséum national d’histoire naturelle de Paris

     

     

        Je corresponds avec de nombreux collectionneurs tout aussi passionnés que moi. Nous échangeons parfois des objets. Ainsi je négocie avec David Wilson à Culver City, près de Los Angeles. Son « Museum of Jurassic Technology » contient des merveilles dont je suis jaloux. J’ai essayé de lui arracher la corne de Mary Davis de Saughall daté de 1688, sans succès. Mary Davis de Saughall n’est pas le seul être humain à avoir une corne mais c’est la seule dont on ait conservé le crâne.   

     

     

    Mary Davis de Saughall, la femme à cornes

     

        Je connais un deuxième exemple de femme aux cornes de bélier: un tondo de Jean-Léon Gérôme (1853). Il s'agit d'une figure mythologique, une bacchante.
     
     

    Tondo de Jean-Léon Gérôme



        Ne pouvant acquérir l'œuvre de Gérôme, je me contenterai bien du crâne de Los Angeles. Sa corne irait très bien avec mes autres monstres dans ma Wunderkammer, ma chambre des merveilles, à coté de mon basilic, né de l’union d’une poule et d’un crapaud, de mon fœtus de licorne et de mes araignées géantes desséchées.
     
     
     

        Curiosit--s-jouet--1-.jpg

    Collection de jouets en plastique

         

     

         Ma collection ne cesse de croître. J’achète, j’achète sans relâche et peut-être finirai-je ruiné moi aussi comme Joseph Bonnier de La Mosson. La soif de posséder ne peut être étanchée, Il y aura toujours une pièce manquante, une nouvelle série à commencer. Le mois dernier, j'ai songé à une collection de cercueils quand une menuiserie a fait faillite non loin d'ici. Je suis allé à la vente aux enchères mais j'ai dû renoncer à ces grosses boîtes, comme pour les dinosaures, faute d'espace. Il faut faire des choix.
     
     

     

    baigneuse-_large_.jpg Collection de souvenirs balnéaires



        Mes trois neveux et nièces (Clémentine, Tugdual et Quentin) n'hériteront pas de mon cabinet de curiosités. ils ne voient là qu'un fatras poussiéreux qui les fait éternuer. Ils seraient capables de tout envoyer à la décharge ou aux Emmaüs. Ainsi se romprait la chaîne qui me lie à Philibert et à son cousin Joseph Bonnier de la Mosson. Au temps de l'immatérialité de la musique, mes neveux ont du mal à concevoir qu'on puisse accumuler tant de choses inutiles. Un musée virtuel en 3D leur plairait plus.
     
     
     
    soeurs-_large_-1.jpgCollection de statuettes religieuses

      
        Mes naturaliae iront au muséum de Paris. Le reste de ma collection ira à mon ami Pierre-Epaminondas Boncam. Il respectera l'œuvre de plusieurs générations même s'il trouve mon cabinet de curiosités “amusant“. S'il meurt avant moi, je prendrai soin de ses archives, même si j'ai des doutes sur la datation de ses découvertes archéologiques. Nous nous disputons souvent à ce propos. La postérité nous départagera.

     

        Aujourd'hui, l'objet de mon désir est un de ces fabuleux petits canards jaunes en plastique, tombés à la mer lors d’une tempête en 1992. Voici quatorze ans qu’ils errent sur les trois océans et depuis, des centaines de curieux, partout dans le monde, scrutent les plages dans l'attente d’un rescapé. Un seul canard me suffirait. Même décoloré, même déchiqueté. Un seul magnifique petit canard jaune pour mon cabinet de curiosités.
     
     
     
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    Billet de 2006 republié sur Eklablog dû à un transfert incomplet à partir d'over-blog
     
     
     
     
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    Arcimboldo en 3D et cabinet de curiosités



    voir Le cabinet de curiosités d'Aristide Sauveterre I

     

        Héritier d'une partie de la magnifique collection de Joseph Bonnier de la Mosson, Aristide Sauveterre accumule dans son cabinet de curiosités des originaux de grande valeur et des faux flagrants qui ne retiennent pas moins son attention.
     
     
     
    Armoires du Cabinet de Curiosités de Bonnier de la Mosson.
    Bibliothèque du Muséum national d’histoire naturelle de Paris



        Il y a un trésor que ni Bonnier de la Mosson ni Philibert Sauveterre, son neveu et assistant, ne réussirent jamais à posséder, bien qu'il firent plusieurs voyages à Prague et à Vienne sur les traces des Habsbourg: un portrait peint par Arcimboldo.
     
     
     
     
    Allégorie de l'été, Arcimboldo, musée du Louvre
     
     
     
        Le peintre maniériste Guiseppe Arcimboldo est connu pour ses  portraits composés, allégories ou caricatures, faits d'une habile juxtaposition de fleurs, de légumes, de fruits ou d'objets. Vus de près, les divers éléments sont peints avec un réalisme méticuleux, de loin le portrait s'impose. On connait la série des Quatre saisons, des Quatre éléments etc. La virtuosité ironique d'Arcimboldo le rendit extrèmement célèbre en son temps et de nombreuses copies et gravures de ses œuvres circulaient dans toute l'Europe. Au dix-huitième siècle, Arcimboldo, si adulé à la Renaissance, était tombé dans l'oubli. Le collectionneur Joseph Bonnier de la Mosson découvrit son existence dans un traité du XVIè siècle sur la peinture. L'auteur, Giovanni Paolo Lomazzo 1, faisait l'éloge des têtes composées et des grotesques portraits-rébus d'un peintre à la cour des Habsbourg.
     
     
     
     
     
    Arcimboldo le cuisinierLe cuisinier d'Arcimboldo, portrait lisible dans les deux sens
     
     
     
     
       Le journal de Philibert Sauveterre, dont Aristide possède les volumes non publiés2, témoigne de la quête obstinée de Joseph Bonnier de la Mosson à la recherche de ces curiosités. Il voulait au moins un tableau de la série des éléments (L'air, l'eau, le feu, la terre) ou les deux portraits: “Eve croquant la pomme” et son vis-à-vis, Adam tenant un rouleau de parchemin.
     
     
     

    arcimboldo-eve.JPGEve, portrait composé de corps nus enlacés d'Eve. Arcimboldo. 1578. collection privée suisse

     

     

      
        Le Baron Bonnier de la Mosson ne trouva jamais un tableau original d'Arcimboldo. Tout ce qu'il dénicha fut des gravures en noir et blanc qui rendaient assez mal l'exubérance et l'inventivité de ces portraits composés.

        Deux siècles et demi plus tard, Aristide a réalisé le rêve de Bonnier de la Mosson ... ou presque! Bien sûr il ne possède pas un tableau original! Lors d'une vente aux enchères, il est tombé par hasard sur un lot de caisses en bois provenant d'une école publique qui venait d'être rasée pour faire place à un centre psychiatrique de jour. Etiquetées “Arcimboldo cours élémentaire, 2ème année, 1978”, les caisses contenaient 17 sculptures soigneusement emballées. En plâtre peint, haute d'environ trente centimètres, elles reproduisaient avec plus ou moins d'habileté l'accumulation de fruits et de légumes qui donnait forme aux plus fameux portraits du peintre maniériste. Des bananes, des fraises, des oranges  ainsi que des poireaux, des choux et des champignons en plastique sont incrustés dans le plâtre, donnant aux répliques arcimboldiennes une vivacité du plus gracieux effet.

     

          Connaissant l'obsession de Joseph Bonnier de la Mosson pour les têtes composées, Aristide n'a pu résister à acquérir ces amusants Arcimboldo en 3D. Il les a catalogués sous: Section art modeste n° ACBD 2. Le collectionneur du dix-huitième siècle, aurait apprécié cette trouvaille insolite. Il ne manquait pas d'humour, lui qui accumulait des objets bizarres aux origines incertaines à coté de merveilles de la nature.

     

     

    Liens sur ce blog:

    * Arcimboldo, les Quatre élements

     

    Mark Dion, cabinets de curiosités, le vrai et le faux, à Arles, au Collège des Bernardins et à Monaco

     

     

     

    Catherine-Alice Palagret

    cabinet de curiosités

    mai 2008

     

     

     

    1- Tempio della Pittura 1590, Giovanni Paolo Lomazzo.

    2- Journal de Philibert Sauveterre. Seize in-quarto reliés en peau de requin. Manuscrits illustrés.

     

     

     

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       Les portraits composés de Giuseppe Arcimboldo exaltent la puissance de l'empereur Maximilien II qui règne sur les hommes mais aussi sur les saisons et les éléments. Giuseppe Arcimboldo  crée  un lien symbolique entre le pouvoir temporel de l'empereur et l'immuabilité des saisons qui reviennent année après année. Arcimboldo, peintre officiel de la cour des Habsbourg au XVIè siècle, suggère ainsi que le règne du Saint-Empire défiera lui aussi le temps.
     
     

     

     
    L'Eté d'Arcimboldo, 1573, détail, musée du Louvre
     
     

     

       Les quatre saisons d'Arcimboldo sont des allégories qui amusaient et intriguaient les courtisans de l'empereur Maximilien II à Vienne. Seul un petit public cultivé pouvait en épuiser le sens. Aujourd'hui beaucoup de subtilités métaphoriques sont perdues pour nous, il reste des énigmes à déchiffrer. Les allégories peuvent nous sembler irrespectueuses ou ironiques mais, au-delà du divertissement, les portraits composés des saisons étaient des messages politiques à la gloire du souverain.
     
     
     
     
     
    Série des quatre saisons d'Arcimboldo
    L'Hiver, l'Automne, L'Eté et le Printemps, Louvre Paris
     



     
    Le portrait de l'Hiver regarde le Printemps et l'Eté l'Automne. Chez les Romains, l'hiver (caput anni) était la première saison. Caput veut dire chef et Maximilien II est le chef. L'Hiver se compose d'un tronc noueux qui forme le profil d'un vieillard au visage creusé de rides. De petites racines dessinent une barbe clairsemée, la bouche est un champignon, l'œil une crevasse. Des racines forment la chevelure sur laquelle pousse du lierre, symbole de fidélité. Les tons sombres dominent. Seuls un citron et une orange, rappel nostalgique de l'Italie où naquit Arcimboldo, apportent une touche de couleur au portrait hivernal.
     
     



    L'Hiver d'Arcimboldo,1573
    Huile sur toile, 76 x 63,6 cm, au Louvre, Paris
     
     


      Le Printemps radieux contemple le visage décati de l'Hiver. C'est une jeune fille, plutôt qu'un jeune homme. C'est la saison du renouveau et les fleurs éclosent, chassant la grisaille de l'hiver. Le visage aux joues roses est composé de lys, de pivoines, de roses, d'églantines, d'anémones. La collerette est faite de fleurs blanches et le vêtement de feuillage. Un lys épanoui décore la chevelure, allusion à la prétention des Habsbourg de descendre d'Hercule. En effet, la légende dit que le lys naquit du lait que donnait Junon à Hercule.
     

     

      
     
    Le Printemps d'Arcimboldo,1573
    Huile sur toile, 76 x 64 cm, au Louvre, Paris



     
        Un chou, légume commun en Autriche, forme l'épaule du Printemps. Un iris, fleur exotique, décore le corsage. Le Printemps est la seule figure féminine de l'ensemble. Elle est le symbole de la procréation, du renouvellement de la nature mais aussi de la dynastie impériale des Habsbourg.
     
     
     
     
    Le Printemps d'Arcimboldo, détail
     
     
     

     

        Le portrait de l'Eté est composé de fruits et de légumes. Une courgette forme le nez, l'œil est une cerise surmontée d'un sourcil en épi de blé. La bouche est une cosse de petits pois entrouverte. Le rouge de la lèvre est constitué de deux cerises. Un pêche forme la joue. L'épi de maïs qui forme l'oreille est une nouvelle céréale venue d'Amérique. Une main invisible tient un artichaut, comme un emblème. Près du tableau, on ne voit que les végétaux, de loin le portrait est évident: un homme au sourire moqueur.
     
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    L'Eté d'Arcimboldo,1573
    Huile sur toile, 76 x 64 cm, au Louvre, Paris
     
     
     
        L'Eté est la saison des moissons, la couleur dorée domine, et le vêtement est fait de blé tissé. La profusion des récoltes souligne l'âge d'or que connaît l'empire, un âge de prospérité et de paix. L'Eté est le seul portrait signé et daté. On y lit Guiseppe Arcimboldo sur le col et 1573 sur l'épaule.
     

     

     

    L'Eté d'Arcimboldo, détail
    Inscription: Giuseppe Arcimboldo, 1573
     
     
     
        L'allégorie de l'automne regarde la splendeur de l'Eté.  C'est le temps des vendanges et sa chevelure est faite de grappes de raisins, de feuilles de vigne et d'une citrouille. Son œil est une prunelle (!) surmontée d'un épi de blé, son nez une poire, sa bouche une châtaigne éclose, l'oreille est un champignon orné d'une figue trop mûre. Le vêtement est un barrique disjointe tenue par un lien, comme Maximilien tient ensemble son empire aux peuples divers. Les deux olives vertes sont un symbole de paix.

     

        L'Automne est un homme mûr peint sous les traits de Bacchus, dieu du vin. Comme tous les buveurs il a le vin joyeux et parfois le vin mauvais. Il pousse l'homme à donner le meilleur de lui-même ou le pire. Suivi d'une cohorte de ménades et de satyres, il parcourt la campagne et aide l'homme à oublier ses misères, comme l'empereur qui parcourt ses terres, dirigeant et soutenant son peuple, accompagné de sa cour. Avec l'Automne, le cycle des saisons est terminé et il recommence avec l'Hiver.

     

      
     
     
    L'automne d'Arcimboldo,1573
    Huile sur toile, 76 x 64 cm, au Louvre, Paris
     

     

       

         Les quatre portraits sont représenté de profil; ils ont la bouche entrouverte comme s'ils conversaient entre eux. Ils se détachent sur un fond noir qui rehausse l'éclat des fleurs et des fruits. Les bordures de fleurs ont été ajoutées tardivement au XVIIè siècle.
     
        Au Louvre, pressés d'arriver à la fameuse Joconde, les visiteurs passent devant les quatre saisons d'Arcimboldo sans s'attarder. Pourtant à l'automne dernier la queue était longue au Palais du Luxembourg pour voir l'exposition dédiée au peintre. En dehors du battage médiatique, Arcimboldo se fait discret.
     
        Les quatre toiles d'Arcimboldo présentées au Louvre sont des variantes des portraits de 1563, conservée au Kunsthistorisches Museum à Vienne. Les différences sont minimes. La première série avait été commandé par l'empereur pour son cabinet de curiosités. La deuxième est un cadeau de l'empereur à l'électeur luthérien Auguste de Saxe afin de sceller une alliance. Pour lutter contre les Turcs, Maximilien le catholique avait besoin de maintenir la paix religieuse entre les protestants et les catholiques de son empire.
     

         Cette série des Quatre saisons a des correspondances avec la série des quatre éléments. « L'été est chaud et sec comme le Feu. L'Hiver est froid et humide comme l'Eau. L'Air et le Printemps sont tous deux chauds et humides et l'Automne et la Terre sont tous deux froids et sec.» écrit le milanais Giovanni Battista Fonteo dans un poème qui accompagnait les tableaux offerts à Maximilien.

      
        Maniéristes, symboliques, énigmatiques et virtuoses ces portraits composés n'ont pas livré tous leurs secrets. Arcimboldo (1526 – 1593) connut la gloire à la cour des Habsbourg. Le peintre italien fut invité à Vienne en 1562 à la cour de Ferdinand 1er par son fils Maximilien. Il y composa les fameuses têtes composées tout en organisant les divertissements de la cour. En 1578 il suivit Rodolphe II à Prague et s'occupa du cabinet de curiosités du jeune roi. En 1587, il retourna à Milan d'où il enverra au roi deux derniers portraits: Rodolphe en Vertumne (le dieu romain des saisons) et Flore. A sa mort, il tomba dans l'oubli et fut redécouvert au XXè siècle par les Surréalistes.
     
     
        Giuseppe Arcimboldo n'a pas inventé le principe des portraits composés. Dès l'antiquité, les grilli sont composés de formes animales ou humaines pour créer une nouvelle image.

         Dans les années 1990, Robert Silvers compose des photomosaïques grâce à l'ordinateur. Au Medialab du MIT, il conçoit un logiciel permettant de manipuler les images pour composer des images à plusieurs lecture.
     
     
     
     
     
    Skull With Cigarette, 2007. Photo-montage de Chris Jordan
    détail des paquets de cigarettes
     
     
     

        Aujourd'hui le photographe Chris Jordan utilise le même procédé de perception et de lecture. Ses immenses photo-montages sont composés de milliers d'objets qu'on ne distingue qu'en s'approchant. Mais alors qu'Arcimboldo chantait les louanges de l'empereur humaniste, Chris Jordan dénonce une civilisation qui ne croit plus qu'en l'accumulation des biens.
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    Catherine-Alice Palagret
    manièrisme
    septembre 2008
     
     
     
     
    Source:
    Catalogue de l'exposition "Arcimboldo" au Musée du Luxembourg
    15 septembre 2007 - 13 janvier 2008
     
     
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       Liu Bolin, maître de l'illusion et du body art, s'expose chez Guerlain dans un trompe- l'œil floral. Dissimulé au milieu de roses et de flacons de parfum "La petite robe noire" le plasticien chinois pose à côté de son épouse. C'est la première fois que Liu Bolin n'est pas seul sur la photographie de la performance.

     

     

    Liu Bolin se cache chez Guerlain au milieu des roses et des parfums

    Liu Bolin, Hiding in the City Paris, Love, 2014, boutique Guerlain

     

       Après la démolition de son atelier en 2005 par la police chinoise, Liu Bolin mit en scène sa non-existence au milieu des décombres, dans une performance où il s'effaçait dans le décor, recouvert de peinture simulant l'arrière plan. Cette disparition qui sous-tendait sa série "Hiding in the city" n'a plus le même sens aujourd'hui quand il se cache au milieu de marques de luxe (marinière Jean-Paul Gaultier, Missoni). Plasticien mondialement reconnu, ses trompe-l'œil sont toujours aussi intrigants mais ont perdu toute valeur contestataire.

     

     

    Liu Bolin se cache chez Guerlain au milieu des roses et des parfums

    Liu Bolin, Hiding in the City Paris, Love, 2014, boutique Guerlain

     

     

     

    Liu Bolin se cache chez Guerlain au milieu des roses et des parfums

    Liu Bolin, Hiding in the City Paris, Love, 2014, boutique Guerlain

     

       " L'an dernier, lorsque j'ai été contacté par Guerlain, je me suis intéressé à la société et à son histoire. Et il me semblait clair que l'amour était au cœur de Guerlain. Je pense que les roses expriment cela. Dans cette œuvre je pose avec mon épouse, qui est aussi mon manager, pour la première fois. Nous nous connaissons depuis dix ans et la collaboration avec Guerlain nous a permis d'exprimer la force de notre amour dans cette image. Le parfum est un élément important dans mon univers de création, il me donne un environnement serein." 1

     

     

    Liu Bolin se cache chez Guerlain au milieu des roses et des parfums

    Liu Bolin, Hiding in the City Paris, Love, 2014, boutique Guerlain

     

     

       Tel un caméléon, Lui Bolin se tient immobile devant un décor et s'y fond peu à peu grâce au travail de son équipe qui reproduit sur son corps et ses vêtements le motif qu'il cache. Sur la photo finale qui pérennise la performance de body art, il est souvent difficile de distinguer Liu Bolin; ses chaussures et son visage sont les plus repérables. Les visiteurs de la boutique Guerlain ne verront, pour la plupart, qu'un panneau décoratif mêlant roses de Bulgarie et flacons de parfum.

     

     

    Liu Bolin se cache chez Guerlain au milieu des roses et des parfums

    Liu Bolin, Hiding in the City Paris, Love, 2014, boutique Guerlain

     

     

    Guerlain, Liu Bolin et la petite robe noire

    Du 5 février au 15 avril 2015

    68, avenue des Champs-Élysées, 75008 Paris
    De 10h à 20h, entrée libre

     

     

    Liens sur ce blog:

    * Liu Bolin se dissimule au Grand Palais

    * Liu Bolin trompe-l'oeil vivant à Art Paris

    * Liu Bolin dissimulé au milieu des armes

    * Liu Bolin et le luxe

     

     

     

     

     

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       Entre Montmartre et Barbès-Rochechouart, les poubelles débordent et les murs nus s'ornent de graffiti et de papiers collés.

     

    Croquis parisien: poubelles et street-art

    Poubelles débordantes et street-art

     

     

    Croquis parisien: poubelles et street-art

    Papier collé passage Briquet

     

        Les plasticiens s'inspirent parfois du mobilier urbain. Ici Anita Molinero, expressionniste contrariée, expose des sculptures d'abandon.

     

     

    Croquis parisien: poubelles et street-art

    Poubelles rouges brûlées, mobilier urbain approprié par Anita Molinero

     

     

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       Près de la Basilique, la rue piétonne de la République est en travaux. Des immeubles vétustes sont rasés. Deux murs peints très banals ont disparu. L'un était l'enseigne d'un magasin de graines, ou une jardinerie comme on dit aujourd'hui: Un jardinier, chapeau de paille et moustache, brandit une carotte. Le texte dit: "Tout pour votre jardin".

     

     

    Murs peints publicitaires démolis à Saint-Denis 

    Tout pour votre jardin, mur peint disparu à Saint-Denis

     

      

      Des tags recouvrent en partie le mur: VMD et GT en petit, et REX en plus large.

     

     

    Murs peints publicitaires démolis à Saint-DenisRex et Tout pour votre jardin, mur peint disparu à Saint-Denis

     

     

       Le deuxième mur peint annonçait avec un simple lettrage, le Saint-Denis Kermesse théâtre cinéma. Au-dessus une enseigne verticale en bois signalait un pressing.

     

     

     

    Murs peints publicitaires démolis à Saint-Denis 

    Cours des Halles,Tout pour votre jardin, mur peint disparu à Saint-Denis

     

        Dans l'angle formé par les murs peints, un cours des Halles à l'auvent déchiqueté. Un magasin aussi condamné à disparaître. A la place de l'îlot Condroyer rasé, bientôt un square.

     

     

    Murs peints publicitaires démolis à Saint-Denis 

    "Saint-Denis Kermesse" théâtre cinéma, mur peint disparu à Saint-Denis

     

     

     

    Autres murs peints publicitaires

     

     

     

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    “Mes dessins n'essayent pas d'imiter la vie; ils essaient de créer la vie, d'inventer la vie"

     

     

    Totems de Keith HaringKeith Haring, Totem

     

     

    Des graffiti du métro aux street-art, des tableaux aux sculptures, Keith Haring a eu une carrière météorique. Voici deux totems vus au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris (MAM).

     

    Totems de Keith HaringKeith Haring, Totem

     

     

    Totems de Keith HaringKeith Haring, Totem

     

     

    Totems de Keith HaringKeith Haring, Totem

     

     

    Totems de Keith HaringKeith Haring, Totem

     

     

    Exposition Keith Haring

    The political line

    Musée d'art moderne de la ville de Paris

    Du 19 avril au 18 août 2013

     

     

    Totems de Keith Haring

     

     

    Liens sur ce blog:

    Keith Haring et LA II

    Keith Haring: les dix commandements au 104

    Keith Haring: Jésus l'enfant rayonnant de l'église Saint-Eustache

     

     

    Textes sur Keith Haring

     

     

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