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Par Palagret le 2 Janvier 2012 à 12:00
A Beaubourg, Yayoi Kusama expose deux installations aux miroirs où le visiteur se perd.
"Jouant sur le perte de repères par des effets de reflets et de lumières, ces chambres de méditations invitent à s'interroger sur le place de l'homme dans le cosmos. La création de différentes ambiances, tantôt diurnes et ludiques, tantôt nocturnes et magiques, participe au processus de répétition mis en place par Yayoi Kusama, une répétition sans ressassement, une sérialité toujours féconde et surprenante." 1
Dots obsession. Infinity mirrored, 1998, Yayoi Kusama à Beaubourg
Dans la première boîte à miroir, Dots obsession. Infinity mirrored room, des ballons rouges à pois blanc se reflètent, avec les visiteurs. Le sol et le plafond sont parsemés de pastilles de tailles différentes. Quelques ballons ont des formes phalliques. Yayoi Kusama fait remonter son obsession des pois à son enfance où dans une hallucination elle vit une pièce se couvrir du motif de la nappe qu'elle regardait:
" Là, partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s'étendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l'univers en seront plein; moi-même je m'acheminerai vers l'auto-anéantissement, vers un retour, vers une réduction, dans l'absolu de l'espace et dans l'infini d'un temps éternel. ... Peindre était la seule façon de me garder en vie." 1
La répétition, l'accumulation, la disparition des limites et l'oblitération de soi seront des thèmes récurrents de l'oeuvre de Yayoi Kusama.
Yayoi Kusama à Beaubourg, installation par PalagretLe deuxième environnement, "Infinity mirror room filled with the brillance of life", Salle des Reflets Infinis pleine de l’Éclat de la Vie, est tout aussi ludique mais plus angoissant car l'espace se dissout dans l'alternance des lumières colorées. Au sol un miroir d'eau réfléchit les murs et le plafond miroirs. On tâtonne pour ne pas buter ou se cogner aux voisins quand la pièce s'obscurcit complètement. Une immersion sensorielle où le ballet des lumières créent une illusion incertaine d'espace sans fin.
Infinity mirror room filled with the brillance of life, Yayoi Kusama à Beaubourg
Deux installations artistiques pas très loin des labyrinthes des fêtes foraines où le visiteur est désorienté et trompé par ses sens.
Infinity mirror room filled with the brillance of life
au fond yellow trees, Yayoi Kusama à Beaubourg
Voir la troisième installation de Yayoi Kusama: " I'm here but nothing", " je suis ici mais je ne suis rien".
Yayoi Kusama, Beaubourg, Galerie sud
10 octobre 2011 - 9 janvier 2012
11h00 - 21h00
Liens sur ce blog:
Printemps précoce aux Tuileries: trois fleurs monstrueuses de Yayoi Kusama
Palagretjanvier 2012art contemporain1- in Code couleur 11, revue du Centre Pompidou
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Par Palagret le 31 Décembre 2011 à 12:00
Voici ce qui arrive aux innocentes licornes qui se font capturer à cause de la duplicité d'une vierge. Attirée par la beauté d'une jeune fille, la licorne pose sa tête sur ses genoux et se laisse bercer par une douce mélodie. Alors les chasseurs arrivent et percent le flanc de la bête fabuleuse. Ils la dépècent et exposent fièrement sa dépouille.
Licorne de Xue Sun, 2011, porcelaine, détail
Bêtes off, Conciergerie
A la Conciergerie de Paris, trois plasticiens exposent des oeuvres représentant une licorne, une chimère au corps de cheval avec une longue corne torsadée sur le front.
Avec son pelage bouclé, la licorne de Xue Sun ressemble plus à la mythique toison d'or qu'au pelage d'un équidé. La corne d'or cependant ne laisse aucun doute sur l'identité de l'animal. La corne transperçant le cuir symbolise la violence faite aux animaux tout en évoquant la grâce et le mystère de l'unicorne.
Gloriosus, la licorne du Royaume-Uni, Renaud-Auguste Dormeuil
Bêtes off, Conciergerie
La licorne de Renaud-Auguste Dormeuil n'a rien de délicat ni de poétique. L'animal abattu est cloué sur une planche noire. Sa peau naturalisée n'est qu'une sinistre enveloppe vide dont les membres pendent lamentablement. C'est une image d'une grande violence. Avec le lion, une autre oeuvre de Dormeuil, la licorne figure dans les armoiries du Royaume-Uni et du Canada où elle symbolise la puissance. Ici, elle n'est qu'une puissance déchue.
Détail du sabot, Gloriosus, la licorne du Royaume-Uni
Renaud-Auguste Dormeuil , Bêtes off, Conciergerie
La troisième licorne ne parle pas de mort mais de simulacre. C'est une vidéo de 7 minutes de Maïder Fortuné, visible sur un écran de télévision à l'entrée de l'exposition "Bêtes off". On y voit une licorne blanche peu à peu effacée par une pluie noire. On s'aperçoit alors que la corne est factice, il s'agit d'une mascarade. La fabuleuse licorne n'est qu'un monstre de foire bricolé que démythifie Maïder Fortuné. Inutile de rêver.
La licorne de Maîder Fortuné
Damien Hirst, star de l'art contemporain, s'intéresse lui aussi à la licorne. Décapitée, il l'expose dans une cage de verre, à côté du couteau qui lui a oté la vie. Entière mais blanche d'un côté, écorchée de l'autre, une autre licorne était postée devant le Musée océanographique de Monaco.
Les chasseurs des contes du moyen-âge ne pouvaient résister au plaisir de massacrer une créature aussi merveilleuse, symbole de pureté. Aujourd'hui, les plasticiens font de même; ils ne représentent la licorne qu'avilie. Dans un monde désenchanté, le merveilleux n'a plus sa place. Reste la violence et la dérision.
L'unicorne dans le bestiaire de Rochester, XIIè siècle
Xue Sun est née en 1980 à Shan Dong (Chine), elle vit et travaille à Paris où elle a été diplômée de l'Ecole supérieure des beaux-arts de Paris en 2008.
Renaud Auguste-Dormeuil est né en 1968 à Neuilly. Il vit et travaille en France.
Maïder Fortuné est née en 1973, elle vit et travaille en France.
Liens sur ce blog:
Bêtes off à la Conciergerie: dépouille fabuleuse, le tatou de Huang Yong Ping
Une licorne perdue, une licorne retrouvée ... en morceau dans une vitrine de Noël
Un extrait de la video de Maider Fortuné
Bêtes Off
Conciergerie, 2 boulevard du Palais, Paris 2è
Du 16 novembre 2011 au 11 mars 2012
Ouvert tous les jours de 9h30 à 18hsauf le 25 décembre et le 1er janvier
Palagret
Les chimères dans l'art
décembre 2011
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Par Palagret le 29 Décembre 2011 à 12:00
L'art contemporain, tendance rigolo, nous offre de joyeuses sculptures pour voir la vie en rose. Voici quelques exemples:
1- Une panthère rose de Jeff Koons.
Pink Panther, Jeff Koons 1988
Porcelaine, dans le salon de la Paix2- Un diamant rose, toujours de Jeff Koons:
Pink diamond, Jeff Koons
3- Un personnage de manga de Murakami.
Kiki de Takashi Murakami à Versailles
4- Les pois roses géants de la japonaise Yayoi Kusama:
"Dots obsession", installation de Yayoi Kusamadans la grande halle de La Villette5- En plus sobre, une installation de néons de François Morellet:
Réinstallations de François Morellet à Beaubourg
Sans oublier les cochons roses de Paul McCarthy.
Liens sur ce blog:
La ménagerie de Jeff Koons dans les salons royaux de Versailles
Murakami à Versailles: Flower Matango à la Galerie des Glaces
François Morellet, néons à Beaubourg
Yayoi Kusama et l'obsession des petits pois (dots) à La Villette
2012, voyez la vie en rose avec le street-art
Palagret
décembre 2012
la vie en rose
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Par Palagret le 22 Décembre 2011 à 12:00
Un fabuleux bestiaire se déploie sous les voûtes gothiques de la Conciergerie. Baleine, oiseaux, girafe, tatou, ours, licornes et même mouches se révèlent au détour des allées.
Le Tatou,2005, Huang Yong Ping, Bêtes off à la Conciergerie
On s'aperçoit vite que pour la plupart, les artistes contemporains sont d'humeur assez macabre. Ils nous présentent des animaux coupés en morceaux, des chimères en cage, des dépouilles de cheval ou de licorne. Ce monde merveilleux n'est pas loin du cauchemar.
Tatou en morceaux, Huang Yong Ping, Lichaam de Berlinde de Bruyckere
Bêtes off à la Conciergerie
Huang Yong Ping expose un animal fantastique proche du tatou. Sa carapace est découpée en rondelles et posée sur de jolis plats de Sèvres en céramique au liseré bleu. Une image bizarre et absurde qui ne manque pas d'humour. Avec ces morceaux de carapace en grès, Huang Yong Ping se moque des trophées que les chasseurs accrochent au mur. Ici les prédateurs peuvent se rassasier de leur proie dans une vaisselle surdimensionnée. Un festin de géants, élégant et cruel, un festin impossible.
Le Tatou,2005, Huang Yong Ping, Bêtes off à la Conciergerie
Huang Yong Ping est au carrefour des cultures chinoise et occidentale. Le tatou est utilisé dans la médecine chinoise pour ses propriétés curatives et les plats se réfèrent aussi bien à la céramique chinoise qu'occidentale.
Les animaux sont un des sujets favoris de Huang Yong Ping. Le cauchemar de George V (2002) représente un tigre sautant sur un éléphant; le cornac et le chasseur ont disparu, dévorés ou enfuis. Les animaux sont plus souvent victimes qu'agresseurs, soit réduit à leur squelette (tower snake), soit à leur enveloppe bourrée de paille (l'Arche de Noé), soit à des morceaux à déguster.
Le Tatou,2005, Huang Yong Ping, Bêtes off à la Conciergerie
Le Tatou de Huang Yong Ping a déjà été présenté au Louvre dans la salle à manger de Napoléon III et à la Manufacture de Sèvres en 2006 pour "Céramique Fictions".
A côté du Tatou de Huang Yong Ping, Berlinde de Bruyckere expose Lichaam, une dépouille de cheval, une peau posée sur des tréteaux.
à suivre
Bêtes off est une exposition organisée par Claude d'Anthenaise, directeur du musée de la Chasse et de la Nature.
Bêtes Off
Conciergerie, 2 boulevard du Palais, Paris 2è
Du 16 novembre 2011 au 11 mars 2012
Ouvert tous les jours de 9h30 à 18h. Dernier accès 45 minutes avant la fermeture.Liens sur ce blog:
Huang Yong Ping, le buffle dans la carriole, au "Jardin Emprunté" du Palais Royal
Bugarach, la fin du monde selon Huang Yong Ping Sun Yuan & Peng Yu, "Old persons home", dictateurs séniles en fauteuils roulants à "Triple Tour"
Les terrines zoomorphes du Musée de la Chasse, faïences polychromes
Palagret
art contemporain
décembre 2011
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Par Palagret le 16 Décembre 2011 à 12:00
"C'est une lutte entre une fabrication mécanique et une fabrication manuelle. Vus d'une certaine distance, les pois ont l'air mécanique mais de près vous pouvez voir la trace d'une main humaine, des traits de crayon et le trou du compas." déclare Damien Hirst dans une interview au L.A. Times (1)
Spot painting de Damien Hirst
photo Nick Treby
Orgueil démesuré ou coup marketing, Damien Hirst va investir onze galeries Gagosian à travers le monde. De New-York à Athènes, de Rome à Hong-Kong, de Paris à Londres, le peintre britannique exposera environ 300 spot paintings.
Spot painting de Damien Hirst à la galerie Gagosian de Paris
Damien Hirst a commencé sa série de spots, ou dots, en 1986. Après avoir réalisé quelques toiles lui-même, il a passé la main à ses assistants. Ils ont produit des centaines de tableaux de toutes tailles selon la même formule: des rangs de pois, tous de couleurs différentes où le diamètre des pois est égal à la distance entre chaque pois. Ce motif géométrique basique existe dans toute les cultures, il est universel. Joyeux comme des smarties, obsessionnels, les spots paintings fabriqués à la chaîne, divisent les critiques.
Gagosian annonce les onze expositions de Damien Hirst
" - Combien de «Spin Paintings», de «Spot Paintings» sont sortis de votre studio?
- Peut-être 1000 «Spot Paintings». J'ai peint moi-même les 5 premiers. Quand j'ai commencé cette série, je l'ai conçue comme une série illimitée. Je les signe tous, en général au dos. Très rarement sur la toile devant, sauf si j'aime vraiment beaucoup cette pièce. Il y a peut-être 300, 400 «Spin Paintings», tous des formats différents. A peu près autant de «Butterfly Paintings». Je vais arrêter tout ça. La vente aux enchères est un bon moyen. J'ai besoin de place dans ma tête pour faire autre chose." 2En 2008, Damien Hirst disait vouloir arrêter les peintures sérielles mais en fait il continue. Pourquoi abandonner un si bon filon? Chez Gagosian, Hirst exposera sa première peinture à pois datant de 1986 ainsi que de plus récentes dont une toile comprenant 18 000 pois qu'il espère finir à temps pour le vernissage le 12 janvier auquel il assistera à New-York.
Pour varier le plaisir, Damien Hirst produit des tableaux très grands avec des pois d'1m 50 de diamètre et des très petits avec des pois d'un millimètre.
La majorité des oeuvres viennent de collections privées; elles seront exposées près de leurs propriétaires, donnant ainsi une carte de la dispersion des spot paintings dans le monde.
Gagosian annonce les onze expositions de Damien Hirst
Quel sera l'effet de cette gigantesque exposition sur le marché? Damien Hirst est confiant: "J'ai produit environ 4800 tableaux dans ma vie, sans compter les gravures et estampes. Je sais que Warhol en a fait 10 000 et Picasso 40 000. Donc j'ai encore du chemin à faire."
Damien Hirst a montré qu'il savait manipuler le marché avec sa vente aux enchères en 2008 en plein krach boursier. Habitué du scandale avec son veau d'or, ses peintures répétitives produites à la chaîne et son crâne couvert de vrais diamants, Hirst, ancien Young British Artist, est un des artistes contemporains les plus chers du monde.
The golden calf, le veau d'or de Damien Hirst
Quel effet aura cette avalanche de spot paintings sur les visiteurs? Risquent-ils l'indigestion, l'ennui ou la fascination? D'ailleurs, qui pourra voir ces pastilles colorées dans onze galeries différentes, à part quelques afficionados du jet set? L'effet serait sans doute plus frappant si les spots paintings étaient exposés dans un lieu immense comme le Turbine Hall de la Tate Modern ou un hangar d'avion.
Spot painting de Damien Hirst
"Quand vous voyiez (ces tableaux) tous ensemble vous vous perdez en eux. Il y a là un anxiété latente."Comme les pois de Yayoi Kusama, les pois multicolores de Damien Hirst ne sont pas si joyeux.Spot painting, Damien Hirst
DAMIEN HIRST
The Complete Spot Paintings 1986-2011
Du 12 janvier au 18 février 2012Galeries Gagosian de: Athens - Beverly Hills - Britannia street, Londres - Davies street, Londres - Genève - Hong-Kong - Paris - Rome -Madison avenue, West 21st street, West 24st street à New-YorkLiens sur ce blog:
La mort annoncée de Damien Hirst, un canular du Village Voice
Damien Hirst défie les galeries avec sa vente aux enchères
Yayoi Kusama et l'obsession des petits pois (dots) à La Villette
Palagret
art contemporain
décembre 2011
Sources:
1- in LA Times
2- in LeFigaro.fr, 5.09.2008
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Par Palagret le 13 Décembre 2011 à 12:00
Tambour, guitare, bâtons ou armature d'osier sont obsessionnellement recouverts de laines, de tissus, cachés au cœur d'un cocon géant. Profanes reliquaires exposés dans l'ancienne sacristie du Collège des Bernardins, ces sculptures textiles sont l'œuvre de Judith Scott, une femme lourdement handicapée, trisomique, sourde et muette.
Objet secret recouvert de fils et brindilles. Judith Scott, Collège des Bernardins
Judith Scott dérobe toutes sortes d'objets hétéroclites qu'elle garde dans un grand sac: parapluie, ventilateur, morceaux de plastique ou de bambou, livre, canne. Elle en assemble certains, les lie étroitement, puis les recouvre de fils, laine, cordelette, lacet etc...
Objets secrets, Judith Scott, Collège des Bernardins
Souvent l'objet d'origine n'est plus reconnaissable, il est occulté par des couches successives de fil et il croît, atteignant parfois de grandes dimensions. Il devient un étrange fétiche de forme organique ou abstraite, une chrysalide qui restera close à jamais. Dès que Judith Scott décide que sa sculpture est finie, elle s'en désintéresse aussitôt et impulsivement commence une nouvelle oeuvre, toujours différente, sans suivre aucun motif. Araignée obstinée, Judith Scott tisse ses cocons en un rituel sans fin où l'objet fini importe moins que le processus.
Objet secret , escargot? Judith Scott, Collège des Bernardins
Prendre, lier, nouer, dissimuler, recouvrir, accumuler, transformer sont les idées force de son travail, des idées non formulées intellectuellement. Judith Scott appartient à l'art brut, un art spontané, sans prétentions culturelles et sans démarche intellectuelle comme le définissait Jean Dubuffet en 1945.
Objets secrets, totem, recouverts de fils. Judith Scott, Collège des Bernardins
Artiste autodidacte handicapée, ignorante de l'art contemporain, Judith Scott a un sens inné de la couleur et de l'assemblage, produisant des sculptures d'une grande force visuelle. Un art brut raffiné. En regardant ses objets secrets de près, on voit les innombrables strates de fils de couleurs différentes illustrant le patient travail qui aboutit à un chien, un tambour, un totem ou à une forme abstraite.
Objets secrets recouverts de fils. Judith Scott, Collège des Bernardins
Les objets secrets de Judith Scott sont présentés au Collège des Bernardins, posés sur des praticables bleus et gris ou accrochés au plafond. Quand on tourne autour de ces cocons, ils révèlent des formes inattendues d'une étrange beauté.
Guitare, objet secret recouvert de fils
Judith Scott, Collège des Bernardins
Née à Cincinati dans l’Ohio, Judith Scott (1943-2005), atteinte de trisomie (syndrome de Down), a été placée dans diverses institutions spécialisées dans lesquelles elle eut du mal à trouver sa place. En 1986, prise en charge par sa sœur jumelle Joyce, elle rejoint le Creative Growth Art Center à Oakland, centre d’art consacré à l’art brut qui aide les personnes handicapées en les invitant à développer leur expression artistique. Judith Scott s’est spontanément engagée dans la création à 44 ans.
objet secret recouvert de fils. Judith Scott, Collège des Bernardins
Cape papillon, objet secret recouvert de fils. Judith Scott, Collège des Bernardins
Judith Scott, Objets secrets
Collège des Bernardins, dans l'ancienne sacristie
du 12 octobre au 18 décembre 2011
Lien sur ce blog:
L'araignée géante de Louise Bourgeois aux Tuileries
Michel Blazy, Bouquet final au collège des Bernardins, éloge de la lenteur
Palagret
art brut
décembre 2011
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Par Palagret le 18 Novembre 2011 à 12:00
Le sujet central de l'oeuvre de Tracey Emin est Tracey Emin elle même. Comme dans un journal intime livré à tous, Tracey Emin relate son viol à Margate, ses avortements, son alcoolisme, son impossibilité à trouver l'amour ou à avoir un enfant.
You bitch, Everythig you steel will turn to ash
Blanket, quilt, de Tracey Emin
Narcissique, Tracey Emin se contemple et s'expose elle-même dans des chroniques journalistiques 1, des quilts, des films, des dessins érotiques, des néons, des sculptures qui racontent ses frustrations et ses espoirs déçus. Une vie misérable auquel le succès artistique ne semble pas apporter de réconfort.
Sometimes nothing makes sense and everything seems so far away, no chance
Quilt de Tracey Emin
L'exposition "Love is what you want" à la Hayward Gallery de Londres présente une rétrospective sur vingt ans de l'oeuvre de Tracey Emin. A côté d'un pont de bois branlant (knowing my enemy 2002), la première salle accueille une dizaine de blankets, couvertures grossièrement brodées accrochées aux murs. De loin, les quilts colorés ont l'air joyeux, de près ils révèlent le monde douloureux de Tracey Emin montré comme une continuelle performance de violence et de trahison.
The end of something real, blanket de Tracey Emin
Les couvertures-bannières de Tracey Emin portent des phrases crues: Psycho slut, they were the ugly cunts, Harder and Better Than All of You Fucking Bastards, Heller fucking skelter, Fuck school why go somewhere every day to be told you’re late.
Des phrases désabusées: I Didn’t Know I had to Share Your Life, You Cruel Heartless Bitch, Rot in Hell.
Des phrases banalement sentimentales: I find your attitude a little bit negative, I want an international lover that loves me more than the world, we are going to get married in Las Vegas.
Psycho slut, Permission to fire. Bannières de Tracey Emin
Chaque bannière est un assemblage de tissus de textures contrastées, mates ou brillantes, et de motifs différents (fleurs, points, rayures) comme les quilts traditionnels faits de chutes et de vêtements usagés cousus ensemble, une pratique économique pour fabriquer des couvertures à partir des restes. Ces quilts, réceptacles de la mémoire domestique, racontaient aussi l'histoire des familles.
Les couvertures appliquées sont aussi une réminiscence des bannières portées dans les processions religieuses ou politiques avec leurs slogans et leurs images.
suspect, détail, bannière de Tracey Emin
Tracey Emin applique des lettres, des dates, des documents, des messages obscurs et de petits dessins cousus sur le support. Le mélange des formes, couleurs et mots forment un patchwork, un collage très lisible relatant un évènement précis où Tracy Emin crie sa colère, son dégoût, sa déception. Emin se protège en objectivant son histoire, comme en contenant son malheur dans les pages d'un journal intime. Un journal halluciné pas si loin de l'art brut, sauf que Tracey Emin est loin d'être naïve.
Total paranoïa, I find your attitude a little bit negative
I am disgusted by your envey, bannière de Tracey Emin
On repère sur les couvertures des fautes d'orthographe, intentionnelles ou pas. Les erreurs révèleraient la spontanéité de l'artiste mais fabriquer de telles couvertures prend du temps, assez pour corriger les erreurs si on le veut. Les confusions de lettres sont peut-être une transgression de plus ou une coquetterie, une attitude rarement attribuée à la plasticienne anglaise.
Sur les couvertures, seuls les textes sont provocants. Les dessins, tableaux et vidéos exposés dans d'autres salles sont plus crus.
Couvertures brodées et cabane (knowing my enemy 2002) de Tracey Emin à la Hayward Gallery
Comme Frida Kahlo, Louise Bourgeois ou Yahoi Kusama, Tracey Emin ressasse les traumatismes de sa vie, la perte de son innocence, et en fait sa légende. A partir de techniques plutôt féminines, le quilt, les aiguilles, la broderie, Tracey Emin réalise une oeuvre dérangeante et brutale, transgressant les clichés de "l'art féminin".
Lettre H cousue
Quilt de Tracey Emin
Les critiques sont divisés sur la valeur de son art, certains trouvent complaisante, vulgaire et sans intérêt cette accumulation d'anecdotes dignes d'un soap-opera. D'autres voient en Tracey Emin une des artistes les plus importantes de sa génération.
I do not expect to be a mother but I do expect to die alone
I want an international lover that loves me more than the world
Quilt de Tracey Emin
Entre voyeurisme, fascination et répulsion, le public observe l'oeuvre auto-biographique de Tracey Emin, une œuvre totalement tirée du réel mais aussi fictionnelle, mise en forme.
We are going to get maried in Las Vegas, we will drive across America
and have our honeymoon in the carribean
petits messages optimistes cousus sur une blanket de Tracey Emin
Tracey Emin est née en 1963 à Croydon en Angleterre. Elle fait partie des British Young Artists repérés par Charles Saatchi. Elle s'est fait connaître du grand public par différents scandales: My bed (1998), la tente de Everyone I have ever slept with (1963-1995) etc ...
It doesn't have to be like that, love to the end
Blanket de Tracey Emin, Love is what you want
Ironiquement, "Love is what you want", l'amour est ce que vous voulez, est un titre fleur bleue, bien consensuel, pour une exposition aux images sexuelles provocantes.
Love is what you want. Tracey Emin
Blankets, neons, films, memorabilia, drawings, paintings, sculptures, writings
Hayward Gallery, Londres
Du 18 mai au 29 août 2011
My life in column, chronique de Tracey Emin dans The independant
Liens sur ce blog:
Saint-Valentin: Tracey Emin illumine Times Square de néons romantiques
Yayoi Kusama et l'obsession des petits pois (dots) à La Villette
L'araignée géante de Louise Bourgeois aux Tuileries
Journée des femmes: Agnès Thurnauer réécrit l'histoire de l'art au féminin
Palagret
art contemporain
novembre 2011
Sources:
Dossier de presse
1- Rubrique " My life in a column " dans le quotidien The Independent.
Tracey Emin à la galerie Saatchi
Mots clés: Tracey Emin, blanket, quilt, bannière, couverture, Hayward Gallery
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Par Palagret le 10 Novembre 2011 à 12:00
Calme bloc ici bas chu d'un désastre obscur ...
Octagon for Saint Eloi, la sculpture de Richard Serra installée depuis 20 ans à Chagny suscite toujours la controverse comme le relate le blog F6mig.
Commande publique d'état, conçue spécialement pour le site, Octagon est un bloc de rouille de 57 tonnes posée devant l'église Saint-Martin, en hommage à Saint Eloi patron des orfèvres et des forgerons. Sa forme octogonale renvoie à la forme des baptistères, 8 est le chiffre de la résurrection.
Octagon for Saint Eloi, sculpture de Richard Serra, 1991
2 mètres de haut sur 2,40 de diamètres, bloc d'acier indaten
forgé par Creusot-Loire industrie
Surnommé le boulon par les habitants, Octagon irrite les fidèles qui se rendent à la messe. Pourquoi une telle oeuvre à Chagny, à l'écart des centres d'art contemporain? L'ancien maire en poste de 1977 à 1993 était un amateur d'art.
Octagon for Saint Eloi, sculpture de Richard Serra, 1991
devant l'église Saint-Martin de Chagny en Saône et Loire
Calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur
Que ce granit du moins montre à jamais sa borne
Aux noirs vols du Blasphème épars dans le futur. 1Les oeuvres de Richard Serra, souvent monumentales, ont bien des difficultés à convaincre le public telles Tilted Arc à New-York, Bellamy dans le Bronx, « Equal-Parallel/Guernica-Bengasi » à Madrid ou Shift au Canada.
Voir les différents articles:
Richard Serra: Shift, sa sculpture monumentale sauvée ?
Richard Serra, Clara Clara aux Tuileries
Richard Serra, Monumenta 2008 au Grand PalaisPalagret
sculpture en plein air
novembre 2011
1- Le tombeau d'Edgar Poe, Stéphane Mallarmé
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Par Palagret le 30 Octobre 2011 à 11:00
Le cube d'Evariste Richer semble bien petit au fond de la nef du Collège des Bernardins. Composé de dés de couleurs empilés pour former un cube de 8000 pièces, il pèse 76 kg, moyenne statistique du poids d’un être humain. Cumulonimbus devient ainsi une métaphore de nos destins, de nos rencontres avec le hasard.
"Cumulonimbus Capillatus Incus", cube d'Evariste Richer
nef du collège des Bernardins
Son nom, "Cumulonimbus Capillatus Incus", désigne un énorme nuage présentant la plus grande extension verticale, très souvent associé à des phénomènes violents comme les tornades et la grêle.
"Cumulonimbus Capillatus Incus", cube d'Evariste Richer
nef du collège des Bernardins
"Des dés, il en a été plusieurs fois question dans l'oeuvre d'Evariste Richer. En 2000, pour la fête du Millénaire, il a réalisé un dé à jouer dépourvu de numérotation. Un instrument vierge qui met l'imagination au pouvoir et redéfinit les possibles en art comme dans la vie. Huit ans plus tard, il utilise encore cet objet en accrochant au mur un dé ordinaire qu'il nomme "Le grêlon noir". En rotation, à grande vitesse, pour symboliser le mouvement perpétuel de notre monde." 1
"Cumulonimbus Capillatus Incus", cube d'Evariste Richer
nef du collège des Bernardins
Evariste Richer est un arpenteur, il mesure le monde et ses phénomènes naturels météorologiques, cosmiques, géologiques ou optiques. Les nuages, la grêle, la pluie, les aurores boréales ou le rayon vert l'inspirent.
Ses observations s'incarnent, décalées, en sculptures conceptuelles. Au-delà de leur force plastique, les oeuvres nécessitent une explications pour les comprendre.
"Cumulonimbus Capillatus Incus", cube d'Evariste Richer
nef du collège des Bernardins
Evariste Richer
Cumulonimbus Capillatus Incus
Du 12 octobre au 18 décembre 2011
Collège des Bernardins
20 rue de Poissy. 75005 Paris
01.53.10.74.44Liens sur ce blog:
Claudio Parmiggiani au collège des Bernardins: après le fracas
Claudio Parmiggiani, cloches muettes au Collège des Bernardins
Claudio Parmiggiani au collège des Bernardins: le labyrinthe brisé
Michel Blazy, Bouquet final au collège des Bernardins, éloge de la lenteur
Liens:
Palagret
art contemporain
octobre 2011
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Par Palagret le 28 Octobre 2011 à 12:00
Une bouche géante nous guette au bout du long couloir blanc. En passant, les voyageurs jettent un coup d'oeil distrait sur la mosaïque de Geneviève Cadieux, peu troublés par l'énormité de cette bouche aux lèvres fermées.
Les gros plans du cinéma, les affiches publicitaires et l'art pop nous ont habitués à voir des détails du corps humain démesurément agrandis. Une étrangeté qui ne nous inquiète plus.
"La voix lactée", mosaïque de Geneviève Cadieux, métro Saint-Lazare
mosaïque de verre de 3 x 8 mètres
Parfois un couple d'amoureux s'arrête devant les lèvres fardées d'écarlate et se photographie comme ils se photographieraient devant le coeur géant de Jeff Koons. Les lèvres sont une image sensuelle, elles appartiennent à l'iconographie érotique.
"La voix lactée", mosaïque de Geneviève Cadieux, métro Saint-Lazare
"La voix lactée", image de lèvres isolées du reste du visage pourrait être une publicité pour un rouge à lèvres. Geneviève Cadieux utilise les codes de la communication commerciale pour mettre en évidence le regard masculin qui transforme la femme en objet sexuel. Cependant, en regardant bien, on s'aperçoit que ces lèvres ne sont pas celles d'une jeune femme. L'artiste a photographié le visage de sa mère et isolé la bouche. Le passant ignore cette deuxième signification qui renvoie à la maternité et à l'intime.
«Dans mon œuvre, les lèvres étaient transgressives en ce sens qu’elles étaient vieillissantes et que le travail était réalisé par une femme. C’était comme si je revendiquais une voix», explique Geneviève Cadieux.1
"La voix lactée", mosaïque de Geneviève Cadieux, métro Saint-Lazare
Le mur voûté au bout du couloir fonctionne comme une fenêtre où viendrait se coller la bouche d'une géante dont le visage trop énorme ne peut entrer. On songe à King Kong dans le film, l'oeil encadré par la fenêtre, espionnant la jeune fille réfugiée dans l'immeuble. On songe à Gulliver ou à Alice au pays des Merveilles tantôt trop petits pour le décor où ils évoluent, tantôt trop grands.
A la télévision, une publicité récente joue aussi sur la différence d'échelle en montrant un visage s'encadrant dans la baie vitrée du métro aérien.
"La voix lactée", mosaïque de Geneviève Cadieux, métro Saint-Lazare
Accompagnant l'oeuvre plastique, quelques lignes d'"une fois seulement", un poème d'Anne Hébert sont inscrites en noir dans un bandeau, sur le mur gauche du couloir:
Bien avant les images et les couleurs
La source du chant s'imagine
A bouche fermée
Comme une chimère captive
Poème d'Anne Hébert pour la Voix Lactée
Comme les carreaux de faïence blanche, la mosaïque pariétale réfléchit doucement la lumière des néons. Geneviève Cadieux est une artiste canadienne née en 1955. Elle s'intéresse au corps, à l'intimité et au féminisme.
La Voix Lactée, mosaïque de verre du métro parisien est une variation de la photo géante exposée depuis 1992 sur le toit du Musée d'Art Contemporain de Montréal. Tel un panneau publicitaire géant, la photo est visible de la rue et s'inscrit dans l'espace public, tout comme les lèvres du métro.
"La voix lactée", mosaïque de Geneviève Cadieux, métro Saint-Lazare
En 1966, la RATP a prêté puis donné à la STM (Société de transport de Montréal) une bouche de métro parisien signé Hector Guimard (station Square-Victoria). En échange, la STM offre au métro de Paris une oeuvre d’art ayant pour thème la langue française: La voix lactée.
La mosaïque est située au métro Saint-Lazare dans le couloir de correspondance entre la ligne 14 et la ligne 9 à Saint-Augustin.
Liens:
Une voix féministe de l’intime, Julie Lavigne, Université McGill
Palagret
octobre 2011
archéologie du quotidien
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